L'histoire électorale du Canada de 1867 à aujourd'hui

Un argument décomplexé et sans limite pour la proportionnelle

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Image gracieuseté d'Élections CanadaSans surprise, ceuxes qui n'ont jamais étudié les systèmes électoraux ni regardé comme moi, sans parti pris, les résultats de toutes les élections tenues au Canada ont tendance à se prononcer librement mais très superficiellement sur la question d'une réforme électorale. J'offre comme preuve la section des commentaires de cet article paru sur CBC News peu après les élections fédérales de 2015. Tout comme tout le monde a soudainement semblé devenir épidémiologiste pendant la pandémie de COVID-19, nous avons tendance à supposer que nous connaissons les minuties de notre système électoral car nous savons tous comment voter. Mais, pour être juste, je dois me rappeler qu'avec Éric Grenier et Philippe J. Fournier, je suis probablement l'un des rares au Canada qui est assez fou pour avoir enregistré et s'être penché sur tous ces résultats en détail — avec mes excuses à Éric et Philippe pour en quelque sorte suggérer qu'ils sont fous, ce qu'ils ne sont pas !

Bien que cela puisse me faire paraître élitiste et non-démocratique, je suis d'accord avec Dennis Pilon, le professeur en sciences politiques de l'Université York cité dans cet article de 2015, que cette question de changer notre système électoral ne devrait pas passer par un référendum. Avons-nous choisi le SMU que nous avons maintenant ? Nous a-t-on demandé notre avis lors de l'abolition des comtés plurinominaux entre 1967 et 1991 ? Non, car il s'agit de questions administratives. Bien que la formule de répartition des sièges à la Chambre des Communes fasse partie de la Constitution, elle a été amendée plusieurs fois et on ne nous a pas demandé de voter sur ça. D'ailleurs, le système électoral ne devrait pas avoir d'impact sur le nombre de sièges attribués à chaque province, et n'oublions pas que chaque tentative de réforme électorale au Canada au XXIe siècle qui a atteint l'étape référendaire a échoué à cause de la désinformation et d'un manque de volonté politique de faire aboutir l'initiative. En fait, je soupçonne de mauvaise foi ceuxes qui s'opposent à la représentation proportionnelle lorsque lels insistent pour que la question soit soumise à l'électorat. Sous couvert de vouloir ètre démocratiques, lels veulent le référendum pour semer la confusion afin de maintenir le système actuel.

Or, comme je l'ai mentionné dans « Changer notre système actuel ? », certains systèmes électoraux sont pires que le SMU. Désolé d'être simpliste, mais tout système majoritaire est mauvais. Point final ! Le vote alternatif est le pire, non pas parce qu'il est favorisé par l'establishment libéral fédéral, mais à cause des maths ! S'il est vrai que chaque personne élue avec ce système peut prétendre — grâce à un schéma mathématique fantaisiste — qu'elle a obtenu une majorité des voix dans son comté, lorsque le décompte des sièges a lieu par la suite, les résultats sont encore plus déséquilibrés que sous le SMU.

Voilà pourquoi nous devons être prudents chaque fois que l'appétit pour remplacer le SMU augmente, car nous risquons de changer juste pour changer et d'empirer les choses. Cependant, ce qui me dérange peut-être le plus, c'est que la Commission du droit du Canada avait déjà étudié la question en 2004 et proposé une excellente solution « faite au Canada », alors pourquoi avons-nous tenté de réinventer la roue en 2015 ? Il y a plus de circonscriptions aujourd'hui qu'il n'y en avait en 2004, mais l'analyse et les recommandations de ce rapport étaient encore valables. Hélas, cet important travail, pour lequel nous, contribuables, avions déjà payé, a été mis de côté après sa soumission — probablement parce que sa proposition ne s'alignait pas sur le système préféré du parti au pouvoir à l'époque, qui, comme maintenant, tout parti confondu, risquerait de perdre un peu de pouvoir si le système était en fait — oh putain ! — équitable !

Malgré leurs bonnes intentions, même certain·e·s en faveur de la représentation proportionnelle, ainsi que certain·e·s journalistes qui tentent d'expliquer à quoi ressemblerait la RP , peuvent trop simplifier l'argument. Ils ne regardent que les pourcentages du vote populaire sur le territoire et traduisent ce pourcentage en nombre de sièges. Sauf que le Canada est un grand pays avec des différences régionales extrêmes en politique. Essayez de trouver un partisan du Parti Vert à Terre-Neuve ou une partisane libérale à Fort McMurray... et je vous souhaite bonne chance !

Car vous voyez : d'abord, en 1993 et en 2015, beaucoup ont voté libéral « stratégiquement » lors de ces élections fédérales en raison de leur aversion intense pour le gouvernement en place — même si lels n'avaient pas besoin de le faire, puisque lels étaient déjà représenté·e·s par un·e député·e non gouvernemental·e et la tendance dans leur comté dans les 20 dernières années ne laissait pas présager que cela changerait, et pourvu que le passage aux libéraux n'allait pas complètement à l'encontre de leur grain politique. (L'exemple de la néo-démocrate Megan Leslie à Halifax en 2015 vient tout de suite à l'esprit.) Ainsi, les pourcentages du vote populaire pour les principaux et même certains petits partis étaient une aberration et n'indiquaient pas une histoire d'amour soudaine avec le Parti libéral. Ensuite, si nous avions deux votes — un pour notre député·e local·e et un pour notre parti préféré — nous ne ressentirions pas le besoin de voter « stratégiquement ». Par exemple, on pourrait facilement voter Libéral ou Conservateur localement, mais pour les Verts (ou qui que ce soit) sur son bulletin de vote de parti.

Une fois les sièges remportés par le SMU régulier auraient été comptés (soit la majorité d'entre eux), le vote populaire par parti serait examiné. Les partis qui auraient atteint le seuil minimum, mais n'auraient pas réussi aussi bien dans les courses SMU, obtiendraient des sièges « compensatoires » pour les apporter plus près du vote populaire qu'ils ont obtenu. Les résultats finaux ne seraient pas parfaits et ne seraient qu'aussi bons que la méthode utilisée pour attribuer les sièges restants, mais ils seraient certes plus fidèles (et plus équitables) qu'une élection en SMU pourrait produire.



Mais je suis surtout fatigué des arguments simplistes ou partisans des opposant·e·s à la proportionnelle. Par « arguments partisans », j'entends lorsqu'une personne sélectionne des exemples d'élections où le SMU a maltraité son parti — par exemple, son parti a remporté le vote populaire mais il a obtenu moins de sièges que le gagnant. Mais ensuite, elle laisse passer sous silence les cas où le SMU a travaillé dans sa faveur. Est-ce parce que ces cas étaient acceptables ? Je ne sais pas si je suis fatigué d'euxes juste parce que lels m'en­nuient ou, comme on dit en français, parce que leur jupon dépasse, car s'il y a une chose que je ne supporte pas, c'est la malhonnêteté intellectuelle !

Nous avons des polémistes assez colorés au Québec, mais celui-ci qui s'adonne à être contre la RP est particulièrement coupable de ce péché. Juxtaposez quelqu'un comme lui à Chantal Hébert qui, certes, n'est pas polémiste mais appelle les bons et les mauvais coups par qui que ce soit, quelle que soit leur couleur politique, et ne dévoile jamais ses propres tendances même si nous pouvons soupçonner ce qu'elles sont, ou plus présumément ne sont pas. Du bon côté, si les arguments des opposants à la RP ont des trous suffisamment grands pour y faire passer un camion, il devrait être plus facile de défendre la cause pourvu que leur manque de crédibilité puisse être mis en évidence pour tout le monde. Parlons donc de leurs piètres arguments — sauf ceux de Christian Dufour, parce que son jupon ne dépasse pas; il est sans costume et s'embarrasse déjà à parader nu.

Alors sans plus tarder, allons-y !
« La RP ouvrirait la porte à trop de partis marginaux. »
C'est toujours à propos de ces parias bizarres pour vous, n'est-ce pas ?
Si vous aviez été à l'écoute, vous auriez entendu que toustes s'accordent à dire que les systèmes proportionnels en Italie et en Israël sont des bordels brûlants. Mais les systèmes de RP ailleurs fonctionnent parce qu'ils sont conçus avec un seuil minimum pour déterminer l'admissibilité aux sièges compensatoires. La majorité des sièges — de 55 à 75 pour cent, selon la conception du système — sont remportés selon la méthode SMU que vous connaissez bien. Donc, si un parti remporte ainsi un ou deux sièges, un peu comme certains indépendant·e·s aujourd'hui, tant mieux pour euxes ! Mais si globalement le parti n'a obtenu que 4% du vote populaire, il n'en obtiendra pas plus cette fois. Alors :
  • À cès chanceuxes du SMU : Félicitations et profitez de vos sièges !
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Quel était le problème ? Bon, oublions ça... Problème résolu !
Un seuil minimal pour obtenir des sièges compensatoires est l'ingrédient « magique » pour faire fonctionner cette recette de RP. Sans cela, si les élections fédérales de 1993 s'étaient déroulées en RP à l'italienne ou à l'israélienne, avec 84 743 voix dans tout le pays (soit 0,62%) et 21 meil­leurs résultats à la quatrième place, le loufoque Parti de la loi naturelle aurait pu avoir un siège aux Communes. Pouvez-vous imaginer ? Mais avec un seuil de seulement 5%, comme 100% des votes pour le Bloc Québécois provenaient du Québec alors que ceux pour le Parti réformiste venaient de partout ailleurs, ce dernier aurait été l'Opposition officielle aux Communes tandis que les progressistes-conservateurs — qui, après tout, avaient obtenu plus de 2.1 millions de votes ou 16% à l'échelle nationale (ou seulement 372 823 votes de moins que les réformistes) — auraient été directement derrière avec peut-être 49 à 50 sièges au lieu de seulement 2, suivis par le Bloc Québécois. La décennie suivante aurait pu être moins tumultueuse à la droite du spectre politique et les factions auraient pu se réconcilier bien avant 2003.

C'est à cause de ce genre d'arguments vides que je crois que la question de changer le système électoral ne devrait pas aller en référendum. Nous devons refuser aux opposants de la RP la possibilité de se livrer à de tels arguments afin que nous puissions nous concentrer à démontrer pourquoi la RP est meilleure et pas une arnaque, car ça pourrait prendre du temps pour convaincre un public dont le cynisme envers la politique peut les rendre enclins à avaler des arguments faciles, sensationnalistes et fallacieux. Je dis cela non pas parce que je pense que le public est stupide. Je pense plutôt que la plupart des gens ont d'autres priorités, mènent des vies remplies et, comme vous le dira tout analyste politique digne de ce nom, ne prêtent pas autant attention à chaque rebondissement que le fait la « classe bavarde ». Même moi, j'avoue ne jamais lire la plate-forme d'un parti politique en période électorale et je suis un mordu de la politique ! C'est donc pour cela que j'exprime la nécessité de défendre la RP sans l'interférence des distractions partisanes stupides qui viendraient inévitablement avec un référendum.
 
« Attends... Des sièges compensatoires ? Ça voudrait dire qu'il y aurait encore plus de député·e·s ? »
Il n'y a aucun appétit pour augmenter la taille des gouvernements.
Encore une fois, si vous aviez été attentif, vous auriez entendu dire que les systèmes de RP qui ont été proposés au Canada ces dernières années suggèrent de garder le même nombre de sièges ou de seulement l'augmenter légèrement.

La carte électorale devrait évidemment ètre redessinée. Les comtés « locaux » seraient plus grands afin d'en avoir moins et le scrutin dans ceux-ci se déroulerait toujours avec le SMU. Ensuite, des regroupements de comtés locaux formeraient des comtés « régionaux », et la somme des deux genres serait égale au nombre actuel de sièges. Par conséquent, les gens auraient deux votes le jour des élections : local et régional.

Ces sièges régionaux seraient les sièges compensatoires. Ils seraient attribués aux partis atteignant le seuil d'admissibilité pour corriger, autant que possible, l'écart de pourcentage entre leur vote populaire et leur nombre de sièges remportés localement en SMU. Moins il y aura de régions — plus il y aura de comtés regroupés dans une région — meilleure sera la proportionnalité. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Vous auriez deux représentant·e·s au lieu d'un·e seul·e, mais il n'y aurait pas plus de député·e·s.
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : En fait, nous sommes d'accord que nous n'avons pas besoin de plus de député·e·s.
Certains systèmes de RP ont des sièges supplémentaires qui sont créés pour assurer une proportionnalité parfaite, puis éliminés s'ils ne sont plus nécessaires après les générales suivantes. Notre système n'a pas à être comme ça. Nous pouvons aspirer à un système simplement plus proportionnel que celui que nous avons actuellement, ce qui, venant du SMU, n'est pas difficile à faire ! Et s'il arrivait qu'un parti ait eu beaucoup de succès et remporté la plupart des courses locales (n'ayant donc pas besoin de sièges compensatoires), il n'y aurait peut-être pas assez de régionaux pour éliminer complètement les écarts pour les autres partis, mais au moins ces écarts ne seraient pas aussi prononcés.
 
« Donner aux gens deux bulletins de vote ? Non, non, non... Ça va les mêler ! »
Pensez-vous vraiment que les gens sont si stupides ou est-ce juste vous ?
Il n'y a rien de mêlant à demander aux gens de voter plus qu'une fois. Lels le font déjà au niveau municipal. Zut ! Je suis à Montréal et aux municipales, où nous avons en fait un système de partis, je dois voter pour les postes de maire de ville et d'arrondissement, de conseillers... Ce n'est pas sorcier et toutes mes recherches sur les systèmes électoraux ne me donnent aucun avantage sur les autres pour saisir ce qu'on s'attend de moi ! Et bien que nous utilisons le SMU, je peux voter (et j'ai voté) pour différents partis sur différents bulletins de vote. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Vous le faites déjà.
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Lels le font déjà.
Cet argument est de loin le plus faible que certain·e·s opposant·e·s à la RP essaient, mais comme il est très facilement rejeté, lels essaient ensuite d'aborder sous d'autres angles leur récit voulant que « la RP est trop compliquée ».
 
« Des sièges locaux... Des sièges régionaux... Attribuer les sièges régionaux... Tout cela semble tellement compliqué ! »
Heureusement que ce n'est pas vous qui comptez les votes ! Mais bon, laissez-moi vous raconter une petite histoire...
Lorsque j'étais étudiant à l'université dans ce qui était essentiellement un programme en arts, j'ai dû suivre un cours d'un an en statistique. Je n'étais pas horrible en mathématiques, mais je ne considérais certainement pas cela comme ma force académique et je craignais d'être désavantagé parce que j'avais étudié les maths en français au secondaire et j'étais inscrit à un programme offert en anglais. Par conséquent, j'étais terrifié par ce cours ! J'avais peur de mal faire ou, pire, d'échouer et de devoir répéter le cours.

Puis, un ami de mon coloc à l'époque, qui se trouvait être ingénieur, m'a donné le meilleur conseil qu'on aurait pu me donner. « N'essaie pas de comprendre pourquoi une formule fonctionne » m'a-t-il dit. « Cela a été essayé et prouvé des millions de fois, et on ne s'attend pas à ce que tu mémorises toutes les formules. Tu n'as qu'à déterminer celle dont tu as besoin pour prouver ou réfuter ton hypothèse. »

Il avait absolument raison. À chaque examen, j'avais le droit d'apporter une page sur laquelle j'avais griffonné toutes les formules que nous avions apprises. Ainsi, le défi était de comprendre quand et pourquoi j'avais besoin d'appliquer cette formule plutôt que celle-là étant donné l'hypothèse que je devais démontrer comme « significative statistiquement » (ou non) avec les données fournies.

Ma note finale en statistique était de 90%. J'ai totalement réussi mon redoutable cours de statistique !

Désolé pour le dénigrement selon lequel vous n'êtes pas cellui qui compte les votes, mais ce que j'essayais de dire, c'est que ce n'est vraiment pas si compliqué — certainement moins que la statistique ! La seule « complication » est qu'il y aurait deux ensembles de votes à compter au lieu d'un seul mais ce n'est pas grave, surtout à une époque où nous avons autant sinon plus de puissance de calcul dans notre main avec notre smartphone que nous avions sur notre bureau en 1992 — pas que nous utiliserions des smartphones non sécurisés pour compter les votes. De plus, des élections proportionnelles, souvent avec des schémas de comptage beaucoup plus compliqués que celui pour lequel je plaide, ont eu lieu à bien des endroits pendant des décennies, voulant dire même lorsqu'une grande partie de la tabulation devait être faite à la main. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Si on peut le faire en Albanie, en Algérie, en Angola, en Argentine, en Arménie — voulez-vous que je continue ? — à Aruba, en Autriche, en Belgique, au Bénin, en Bulgarie — d'accord, j'arrête ! — nous pouvons très certainement le faire au Canada !
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Soit vous faites exprès de ne pas comprendre, soit vous êtes simplement alarmiste.
Nous devons dépasser notre peur de l'inconnu. Ce qui nous est inconnu est en fait bien connu dans de nombreux autres pays. Il est temps pour nous de les rattraper.
 
« Ces circonscriptions plus grandes signifieront que les gens seront moins représenté·e·s, surtout dans les régions rurales. »
Cette affirmation n'est tout simplement pas vraie — ni maintenant ni quand la RP serait mise en œuvre.
Les circonscriptions (ou comtés) sont un endroit où la proportionnalité existe déjà, avec des exceptions accordées pour les régions rurales très isolées ou étendues, dans le but de respecter le critère « Une personne, un vote ». L'idée et l'idéal sont que le vote de chacun·e ait à peu prés le même poids, peu importe où il est exprimé.

Il faut se rappeler que cette notion n'a pas toujours existé au Canada, car en effet, au XIXe et au début du XXe siècle, seuls les hommes de 21 ans et plus qui répondaient à certaines exigences en matière de propriété avaient le droit de vote. Le suffrage universel n'a été accordé au niveau fédéral qu'en 1920, certaines provinces comme le Manitoba l'accordant dès 1916. Je ne veux pas dire par là simplement que les femmes ont finalement été autorisées à voter, mais que le critère de propriété a également été abandonné. Même là, les Canadiens d'origine chinoise n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1947 et les peuples autochtones en 1960. L'âge de voter est descendu à 18 ans au niveau fédéral en 1970.

© Photo 2016 Angus Maguire via Interaction Institute for Social Change — Util. équitable
De plus, au cours des quelque 50 premières années de la Confédération, en plus du droit de vote limité, les circonscriptions étaient presque entièrement fondées sur les comtés des différentes provinces. Par exemple, au Québec, une petite localité comme L'Islet, qui avait aussi un comté portant son nom, avait sa propre circonscription. Ainsi, en 1867, Montréal, bien qu'ayant facilement 30 fois la population de L'Islet, n'avait que trois circonscriptions. D'autres s'ajoutent peu à peu aux régions urbaines, mais leur sous-représentation persiste jusque dans les années 1950. En 1956 au provincial, L'Islet comptait 11 830 électeurs contre 135 730 à Laval, et au fédéral en 1957, L'Islet (alors fusionné avec Montmagny) comptait 20 274 électeurs pour les 66 879 de Laval. Si l'on peut mettre de côté son parti pris pour les régions rurales, on conviendra qu'il s'agissait d'une situation intenable. Il faut s'entendre et bien faire la distinction entre égalité et équité, et c'est l'équité que nous visons.

Ce n'est qu'au début des années 1960 que la plupart des juridictions ont redessiné leur carte électorale pour corriger ce déséquilibre urbain/rural. Alors qu'on pourrait prendre une carte et s'assurer froidement que chaque comté compte le même nombre d'habitant·e·s, cela ne tiendrait pas compte des affinités naturelles entre les communautés limitrophes. Par exemple, les gens du comté administratif de Leduc, en Alberta, sont-ils davantage liés à Edmonton au nord ou à la région plus rurale de Westaskiwin au sud ? Si Leduc, compte tenu du nombre de comté à créer, devait être inclus dans l'un ou l'autre, où irait-il ? Suite au redécoupage fédéral de 2012, on a décidé, compte tenu du nombre de circonscriptions qu'avait l'Alberta, de le placer dans Edmonton—Wetaskiwin, mais lorsque le redécoupage de 2022 a ajouté trois circonscriptions à cette province, on a pu le placer dans la nouvelle circonscription plus rurale de Leduc—Wetaskiwin.

Une variation de population de x% est autorisée pour répondre à ce genre de dilemme, sans compter qu'il peut y avoir la notion de « sièges protégés » dans certaines juridictions pour respecter les minorités historiques et culturelles importantes dans certaines communautés, ainsi que les régions isolées peu peuplées par rapport à leur très grand territoire. Bien qu'au Québec, il puisse être logique mathématiquement de fusionner Ungava avec l'une de ses circonscriptions voisines au sud, plaignez la personne qui aurait à représenter ce comté, qui couvrirait encore plus de milliers de kilomètres carrés, et les gens que lel aurait à représenter !

Donc, avant que des partisan·e·s du Parti conservateur du comté fédéral de Kenora (Ontario) ne comparent leur comté à celui au Québec détenu par le premier ministre (Papineau) et se plaignent d'être sous-représenté·e·s parce que « le Québec, comme d'habitude, est toujours surreprésenté », lels devraient songer à ceci... Lors des fédérales de 2021, il n'y avait que 46 382 électeurs dans le comté de Kenora qui couvre 321 741 kilomètres carrés pour les 72 972 dans Papineau qui ne couvre que 10 kilomètres carrés. La notion d'équité a déjà été appliquée à Kenora parce que, avec respect, on reconnait déjà les défis que confrontent les résident·e·s en région et ceuxes qui les représentent.

Mais pour revenir à votre point : en plus des efforts déjà déployés pour s'assurer que les régions rurales sont représentées équitablement, un système de RP regrouperait alors le comté local redessiné de Kenora avec d'autres comtés du Nord de l'Ontario pour créer une région pour laquelle un ou plusieurs sièges de partis régionaux seraient attribués en fonction du vote populaire. Selon l'évolution des résultats dans les comtés SMU locaux, il pourrait y avoir d'autres député·e·s conservateurs·trices de région, ou des membres du Parti libéral ou du NPD. Et pour les besoins de l'argumentation, disons que l'un de ces sièges régionaux allait à une membre du NPD parce que ce parti est arrivé en deuxième place au niveau régional mais n'a remporté aucun siège local dans la région, les gens de Kenora qui s'identifient davantage à ce parti qu'aux conservateurs auraient un·e deputé·e avec qui lels pourraient se sentir plus à l'aise pour faire part de leurs préoccupations. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Vous auriez en fait deux député·e·s, l'un·e d'entre euxes pouvant partager vos convictions politiques.
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Les régions rurales seraient en fait plus représentées qu'actuellement même si elles sont déjà plus représentées que les régions urbaines par souci d'équité.
Bref, il ne faut pas regarder la carte électorale après des élections générales, se laisser aveugler par les grandes étendues d'une couleur, et se demander pourquoi ce parti n'a pas gagné plus de sièges. Par exemple, voir le Nunavut en orange cache que, bien qu'il soit 209 319 fois plus grand que Papineau, qui est imperceptible sur cette carte, il compte moins du quart du nombre d'électeurs éligibles dans Papineau. Bien sûr, Nuvanut/Papineau est le deuxième exemple le plus extrême que je pourrais prendre — Toronto Centre serait le plus extrême — mais toutes ces immenses circonscriptions peu peuplées qui couvrent la carte peuvent agir comme un trompe-l'œil. La Saskatchewan et le Manitoba : d'énormes blocs sur la carte mais, à l'extérieur de Régina, Saskatoon et Winnipeg, pas grand monde pour se rendre aux bureaux de scrutin !
 
« La RP met trop d'emphase sur les partis. Ces député·e·s de région devront répondre à leur parti, non aux électeurs·électrices. »
Pas tout à fait vrai, mais au moins cette fois, vous soulevez un point qui mérite d'être discuté.
Vous soulevez la question valable à savoir si, sur le deuxième bulletin, la liste des candidat·e·s devrait être ouverte ou fermée. Un bulletin de vote à liste ouverte vous permettrait de choisir une personne sous la rubrique d'un parti. Sur un bulletin à liste fermée, vous ne voteriez que pour le parti que vous soutenez et, sous le nom du parti, vous verriez les noms des personnes dans l'ordre où elles seraient appelées, au besoin, à occuper un siège régional : la première personne inscrite obtiendrait le premier siège, la seconde, le deuxième, ainsi de suite.

On pourrait argumenter — et j'aurais tendance à vous suivre — qu'avec une liste fermée, les partis auraient élu leurs candidat·e·s de région, mais n'oublions pas que ceuxes-ci passent habituellement par un processus de nomination ; donc, les partis ont déjà et toujours leur mot à dire sur qui les représentera. Il n'y aurait pas nécessairement de mauvaises intentions derrière l'ordre des candidat·e·s. Ça pourrait être pour assurer l'équilibre des genres, ou pour refléter la diversité culturelle de la région. Mais il pourrait aussi y en avoir, comme un parti voulant absolument faire élire une personne en particulier mais qui, pour une raison quelconque, ne gagnerait jamais dans un concours SMU régulier.

C'est pourquoi j'ai tendance à préférer un scrutin à liste ouverte. Cela nous permettrait indirectement de décider de l'ordre dans lequel les candidat·e·s seraient appelé·e·s à occuper un siège, et cela apaiserait votre sentiment (et le mien) que nous n'aurions pas élu ces député·e·s de région — que lels nous auraient été imposé·e·s par les partis. L'inconvénient — et ce n'est pas mineur — pourrait être que pas autant de femmes ou de membres d'une communauté importante dans une région seraient élues. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Sur la base de cette explication, quel type de liste préféreriez-vous : ouverte ou fermée ?
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Cette préoccupation que vous soulevez peut être résolue, tant que vous ne fermez pas simplement la discussion avec cet argument.
Au-delà de décider si les listes doivent être ouvertes ou fermées, d'autres considérations devraient inclure :
  • Une personne peut-elle apparaître simultanément sur un bulletin de vote local et régional ?
  • Une personne sur une liste régionale doit-elle être résidente de la région, ou peut-elle apparaître sur plusieurs listes régionales ?
  • Qu'est-ce qui convaincrait les partis de ne pas voir les listes régionales comme des réceptacles de ce qu'ils considèrent comme des candidat·e·s de second rang ?
Mais maintenant, j'entre dans les détails de la conception du système, et ce ne sont pas des arguments contre la RP.
 
« Les gouvernements de coalition deviendraient la norme car aucun parti ne pourrait jamais former une majorité. »
Et en quoi cela serait-il une mauvaise chose ?
De toute évidence, le premier ministre Harper a réussi, lors de la crise de censure de 2008, à retirer la légitimité de la notion de coalition, qui est monnaie courante dans des démocraties très stables comme l'Allemagne. Mais si nous voulons vraiment réformer, alors il va de soi que les règles régissant les votes de censure dans nos assemblées législatives auraient également besoin d'être réformées. Ces votes devraient être limités au budget et lorsque le gouvernement est accusé d'outrage au parlement ou est manifestement corrompu. Ceuxes qui ont été élu·e·s seraient tenu·e·s de respecter la manière dont l'électorat a demandé à être représenté. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Si des coalitions peuvent fonctionner dans d'autres démocraties, pourquoi pas celles du Canada ?
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Vous ne pouvez jamais obtenir assez de pouvoir, hein ? Ah, misère ! Maintenant, mettez-vous au travail et faites fonctionner ça comme nous vous l'avons demandé !
Pourtant, nous avons un chroniqueur conservateur comme Kelly McParland du National Post qui insiste dans cet article de 2024 que même le système électoral allemand est devenu un désastre dans les années 2020, recourant à des expressions alarmistes mais jetables comme « le gouvernement tripartite — typique du sorte de méli-mélo qui accompagne souvent la représentation proportionnelle », et en insistant sur le fait qu'il y avait 47 partis reconnus lors des élections fédérales de 2021. McParland pense que le Parti libéral du Canada doit probablement regretter d'avoir renié sa promesse de se débarrasser du système uninominal majoritaire à un tour, qu'il qualifie de « bonne vieille approche éprouvée de voter » et de « système dans lequel le Canada a prospéré pendant près de 160 ans », omettant commodément de mentionner que les libéraux voulaient un système majoritaire encore pire que le SMU, insinuant ainsi qu'ils voulaient un système de RP « impliquant des listes de parti au lieu de candidats individuels, des scrutins mixtes, des votes uniques transférables, et d'autres caractéristiques exotiques ... même si cela signifiait que certains membres du Parlement étaient choisis par le parti plutôt que par l'électorat » (voir ci-dessus).

Pour être honnête, il n'a pas dit qu'il y avait 47 partis au Bundestag. Cependant, il laisse penser que ça pourrait arriver, alors qu'en fait, seuls neuf partis y sont représentés depuis 2021, car la plupart des partis sont incapables d'atteindre le seuil minimum de représentation, dont il ne fait aucune mention. Il y a actuellement moins de 20 partis reconnus par Élections Canada — il y en a eu plus à certains moments, et jusqu'à neuf entités politiques distinctes autres que « indépendant » pouvaient être comptées aux Communes après les élection de 1945 — mais même si le nombre de partis explosait dans un système de RP, il est peu probable que la représentation à la Chambre soit plus diversifiée que ce qu'a connu l'Allemagne, car son système est bien conçu, contrairement à celui d'Israël ou d'Italie.

Avec le mot coalition, le mot compromis est tombé en obsolescence et semble sale dans un système électoral majoritaire. Pourtant, tout effort social valable nécessite des compromis, et des apports hétérogènes conduisent souvent à de meilleures solutions plus nuancées. Aucun·e élu·e en Allemagne n'a jamais dit qu'il était facile de former et de maintenir une coalition, mais qui a dit que gouverner est ou devrait être facile ?
 
« Nous ne saurions pas qui a gagné quand nous nous coucherions le soir des élections. »
Puis après ? Comme si cela n'était jamais arrivé ?
Pire pourrait arriver que de ne pas savoir, à l'heure du coucher le soir des élections, le nombre exact de sièges que chaque parti aura. Pourtant, j'imagine déjà les opposants de la RP au soir des premières élections en RP . « Tu vois ? Tu vois ? Ça fait deux heures que le scrutin est terminé et on ne sait toujours pas qui a gagné ! Quel gâchis, hein ? Bon sang, c'est tellement mêlant ! » Je veux dire ...vraiment ? Vous semblez accro à la gratification instantanée — ou à la déception et l'indignation instantanées si vous perdez. Peut-être vous devriez vous faire aider pour cela.

Déjà, les courses locales proches doivent faire l'objet d'un recomptage, et si certaines finissent par basculer vers cellui qui était initialement considéré en deuxième, cela aurait un impact sur l'attribution des sièges régionaux. Autrement dit, la poussière devra peut-être s'installer avant que nous connaissions les décomptes finaux, mais ce n'est pas signe qu'un système proportionnel ne fonctionne pas ou est déroutant. C'est simplement que, comme pour de nombreuses entreprises valables, cela peut prendre un peu plus de temps pour faire ce qui est juste. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Donnez-leur le temps de compter chaque vote et tout se mettra en place avec le temps.
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Pourriez-vous, s'il-vous-plaît, arrêter d'inventer des choses ?
L'attente selon laquelle nous devrions connaître tous·toutes les gagnant·e·s quelques heures après la fermeture des urnes est, premièrement, un phénomène moderne et, deuxièmement, un sous-produit de plus de 150 ans d'utilisation de systèmes électoraux majoritaires qui peuvent fournir des victoires décisives — même si nombreuses d'entre elles n'étaient pas alignées sur ce que les gens avaient exprimé dans l'isoloir.

Il existe un proverbe en anglais qui dit que la hâte mène au gaspillage (« Haste makes waste »). Il est vrai que la détermination d'un gou­ver­ne­ment peut se faire rapidement sous le SMU. Par exemple, le soir des élections générales ontariennes de 2022, les médias ont déclaré une majorité pour le Parti PC seulement 19 minutes après la fermeture des bureaux de scrutin ! Et puis la plupart des gens sont tout aussi vite passés à autre chose et accepté la fiction majorité/minorité basée uniquement sur le décompte des sièges, mentionnant du bout des lèvres que près de 60% s'opposaient au gouvernement qui venait d'être élu, et ne se rendant pas compte que le véritable gagnant des élections était Personne. Le gaspillage dans ce cas, comme toujours, a été présenté comme « l'inefficacité du vote » des Verts et des Libéraux — surtout de ces derniers — un concept entièrement fabriqué pour excuser la plus grande lacune du SMU. Quand même c'est choquant de voir deux partis obtenir presque le même nombre de voix, mais celui avec 7 682 de plus obtenir près de quatre fois moins de sièges.
Ontario Ontario
43 → 2022 ::  2 jun 2022 — Présent     — Majoritaire Majoritaire  PC 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 43   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +21  Maj.G.: +42
Population [2022]: 14,996,014 (est.)
Éligible: 10,740,426  Particip.: 44.06%
Votes: 4,732,476  Non-productifs: 276,196
Sièges: 124   1 siège = 0.81%
↳ Sys.élec.:  SMU: 124  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PC  Sièges  PC 
Pluralité:  +795,840 (+16.92%)
Pluralité:  Sièges: +52 (+41.94%)
Position2: Votes  LIB  Sièges  NPD 
Candidatures: 897 (✓ 124)   m: 571 (✓ 77)   f: 325 (✓ 46)    x: 1 (✓ 1)
 PC  124   NPD  124   LIB  121   VRT  124   IND  40   NPBO  123   PO  105   AUT  136  
PC
1,919,905 40.83 66.94 83
NPD
LIB
VRT
IND
1,116,383
1,124,065
280,006
15,921
23.74
23.91
5.96
0.34
25.00
6.45
0.81
0.81
31
8
1
1
IND
NPBO
PO
AUT
REJ
ABS
9,411
127,462
83,618
25,188
30,517
6,007,950
0.20
2.71
1.78
0.53
0.64
——
 LIB  Gagné 23 sièges de moins que le NPD qui a obtenu 7,682 moins de votes.
 IND  Un candidat se présente officiellement comme n'ayant pas d'affiliation.
 AUT  ADCR  28   LBT  16   PPO  13   PLIB  11   COMM  12   CO  11   PMO  17   CC  2   COR  3
 AUT  PPPO  3   FPO  3   STSX  3   CENT  2   PPBS  2   PNO  2   PBP  2   CPJ  2   PRE  2   ALLI  2
 !!!  124 (100.00%)
Les Ontarien·e·s sont devenus notoires au XXIe siècle pour ne pas aller voter à l'échelle provinciale, mais le creux historique atteint en 2022 reflète peut-être que lels considèrent que le système électoral ne fait que gaspiller leur temps car il ne les « écoute» pas de toute façon. Mais le genre de gaspillage que toustes semblent comprendre, c'est quand le vote populaire pour un parti aurait raisonnablement dû rapporter quelques sièges mais ne l'a pas fait, comme lorsque les Verts ont atteint le seuil de 6,8% des voix au Canada lors des générales de 2008, sans compter qu'une très grande proportion de l'électorat n'a même pas pris la peine d'aller voter.
Canada Canada
40 → 2008 :: 14 oct 2008 —  1 mai 2011 — Majoritaire Minoritaire  PCC 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 40   Majoritaire Minoritaire
Majorité=155  Maj.Ab.: -12  Maj.G.: -22
Population [2008]: 33,127,520 (est.)
Éligible: 23,617,343  Particip.: 58.98%
Votes: 13,929,093  Non-productifs: 1,149,194
Sièges: 308   1 siège = 0.32%
↳ Sys.élec.:  SMU: 308  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PCC  Sièges  PCC 
Pluralité:  +1,575,884 (+11.39%)
Pluralité:  Sièges: +66 (+21.43%)
Position2: Votes  LIB  Sièges  LIB 
Candidatures: 1,601 (✓ 308)   m: 1,155 (✓ 239)   f: 446 (✓ 69)
 PCC  307   LIB  307   BQ  75   NPD  308   IND  71   VRT  303   AUT  230  
PCC
5,209,069 37.65 46.43 143
LIB
BQ
NPD
IND
3,633,185
1,379,991
2,515,288
42,366
26.26
9.98
18.18
0.31
25.00
15.91
12.01
0.65
77
49
37
2
IND
VRT
AUT
REJ
ABS
52,478
937,613
64,304
94,799
9,688,250
0.38
6.78
0.45
0.68
——
 AUT  PHC  59   ML  59   LBT  26   PPC  10   COMM  24   ACT  20   BP  8
 AUT  NRHI  7   NLF  3   PNPN  6   AAEV  4   PTM  1   WBP  1   PPP  2
 !!!  291 (94.48%)
Le gaspillage peut également être quantifié en occasions manquées de prendre conscience des tendances émergentes cachées à la vue de toustes dans les chiffres. Par exemple, tout le monde a semblé surpris lorsque l'Action démocratique du Québec a formé l'opposition officielle à l'Assemblée nationale du Québec en 2007, forçant les Libéraux à former le premier gouvernement minoritaire dans cette province en près de 130 ans. Cependant, la preuve de l'ascension de l'ADQ était visible lors des trois élections générales précédentes, ce qu'on aurait vu venir si on avait eu un système proportionnel, sans compter que ses partisan·e·s auraient été entendu·e·s plus tôt. Certes, la performance initiale de l'ADQ en 1994 aurait pu être considérée comme un coup de chance comme celui du Parti égalité en 1989, mais neuf ans plus tard, les générales de 2003 fournissaient de bonnes raisons d'arrêter de penser que c'était le cas — sauf que toustes ont continué à se concentrer uniquement sur le nombre de sièges.
Québec Québec
35 → 1994 :: 12 sep 1994 — 29 nov 1998 — Majoritaire Majoritaire  PQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 35   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +15  Maj.G.: +29
Population [1994]: 7,184,599 (est.)
Éligible: 4,893,465  Particip.: 81.63%
Votes: 3,994,628  Non-productifs: 250,722
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PQ  Sièges  PQ 
Pluralité:  +13,212 (+0.34%)
Pluralité:  Sièges: +30 (+24.00%)
Position2: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Candidatures: 682 (✓ 125)   m: 541 (✓ 102)   f: 141 (✓ 23)
 PQ  125   PLQ  125   ADQ  80   NPDQ  41   PE  18   IND  68   AUT  225  
PQ
1,752,298 44.74 61.60 77
PLQ
ADQ
1,739,086
252,522
44.40
6.45
37.60
0.80
47
1
NPDQ
PE
IND
AUT
REJ
ABS
33,703
11,671
66,221
61,375
77,752
898,837
0.86
0.30
1.69
1.58
1.95
——
 ADQ  Premières élections générales pour ce parti.
 AUT  PLN  103   SOUV  19   PVQ  11   PCI  10   C  10   CWCQ  18   DQ  11   PIQ  11   PEQ  9   ML  13   COMM  10
 !!!  1 (0.80%)
36 → 1998 :: 30 nov 1998 — 13 avr 2003 — Majoritaire Majoritaire  PQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 36   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +14  Maj.G.: +27
Population [1998]: 7,290,497 (est.)
Éligible: 5,254,482  Particip.: 78.32%
Votes: 4,115,169  Non-productifs: 118,435
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PLQ  Sièges  PQ 
Pluralité:  +27,618 (+0.68%)
Pluralité:  Sièges: -28 (-22.40%)
Position2: Votes  PQ  Sièges  PLQ 
Candidatures: 657 (✓ 125)   m: 514 (✓ 96)   f: 143 (✓ 29)
 PQ  124   PLQ  125   ADQ  125   PDS  97   PE  24   IND  38   AUT  124  
PQ
1,744,240 42.87 60.80 76
PLQ
ADQ
1,771,858
480,636
43.55
11.81
38.40
0.80
48
1
PDS
PE
IND
AUT
REJ
ABS
24,103
12,543
7,418
27,680
46,691
1,139,313
0.59
0.31
0.18
0.67
1.13
——
Le système électoral a conduit le « mauvais gagnant » en tête du décompte des sièges.
 PDS  Formé après les élections générales de 1994 du NPDQ.
 AUT  BPQ  24   PLN  35   RAP  1   ML  24   PIQ  20   COMM  20
 COMM  Dernières élections générales pour ce parti avant la fusion de son aile politique à l'Union des forces progressistes en 2002.
 !!!  2 (1.60%)
37 → 2003 :: 14 avr 2003 — 25 mar 2007 — Majoritaire Majoritaire  PLQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 37   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +14  Maj.G.: +27
Population [2003]: 7,471,775 (est.)
Éligible: 5,490,363  Particip.: 70.56%
Votes: 3,874,143  Non-productifs: 147,548
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Pluralité:  +487,282 (+12.74%)
Pluralité:  Sièges: +31 (+24.80%)
Position2: Votes  PQ  Sièges  PQ 
Candidatures: 644 (✓ 125)   m: 470 (✓ 87)   f: 174 (✓ 38)
 PLQ  125   PQ  125   ADQ  125   UFP  73   PE  21   IND  36   AUT  139  
PLQ
1,758,200 45.96 60.80 76
PQ
ADQ
1,270,918
697,477
33.22
18.23
36.00
3.20
45
4
UFP
PE
IND
AUT
REJ
ABS
40,319
4,051
8,611
45,653
48,914
1,616,220
1.05
0.11
0.23
1.19
1.26
——
 UFP  Formée en juin 2002 du Parti de la démocratie socialiste et d'autres formations de gauche.
 AUT  BPQ  56   PVQ  36   PDCQ  24   ML  23
 BPQ  Meilleur résultat pour ce parti (0.60%).
 !!!  30 (24.00%)
38 → 2007 :: 26 mar 2007 —  7 déc 2008 — Majoritaire Minoritaire  PLQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 38   Majoritaire Minoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: -15  Maj.G.: -29
Population [2007]: 7,674,385 (est.)
Éligible: 5,630,567  Particip.: 71.23%
Votes: 4,010,683  Non-productifs: 347,070
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Pluralité:  +89,261 (+2.24%)
Pluralité:  Sièges: +7 (+5.60%)
Position2: Votes  ADQ  Sièges  ADQ 
Candidatures: 679 (✓ 125)   m: 467 (✓ 93)   f: 212 (✓ 32)
 PLQ  125   ADQ  125   PQ  125   QS  123   IND  28   AUT  153  
PLQ
1,313,664 33.08 38.40 48
ADQ
PQ
1,224,403
1,125,546
30.84
28.35
32.80
28.80
41
36
QS
IND
AUT
REJ
ABS
144,414
4,490
158,088
40,078
1,619,884
3.64
0.11
3.98
1.00
——
Premier gouvernement minoritaire en plus de 120 ans.
 QS  Formé le 4 février 2006 de l'Union des forces progressistes et d'autres formations de gauche.
 AUT  PVQ  108   ML  24   BPQ  9   PDCQ  12
 PVQ  Meilleur résultat pour ce parti (3.85%).
 !!!  46 (36.80%)
Cependant, suite aux élections générales de 2008, l'ADQ est revenue à l'Assemblée comme groupe d'opposition non-reconnu et sous-représenté par rapport à sa part du vote populaire.
Québec Québec
39 → 2008 ::  8 déc 2008 —  3 sep 2012 — Majoritaire Majoritaire  PLQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 39   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +4  Maj.G.: +7
Population [2008]: 7,740,347 (est.)
Éligible: 5,738,811  Particip.: 57.43%
Votes: 3,295,914  Non-productifs: 134,141
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Pluralité:  +224,295 (+6.91%)
Pluralité:  Sièges: +15 (+12.00%)
Position2: Votes  PQ  Sièges  PQ 
Candidatures: 651 (✓ 125)   m: 448 (✓ 88)   f: 203 (✓ 37)
 PLQ  125   PQ  125   ADQ  125   QS  122   IND  30   AUT  124  
PLQ
1,366,046 42.08 52.80 66
PQ
ADQ
QS
1,141,751
531,358
122,618
35.17
16.37
3.78
40.80
5.60
0.80
51
7
1
IND
AUT
REJ
ABS
6,506
78,054
49,581
2,442,897
0.20
2.40
1.50
——
 AUT  PVQ  80   PIN  19   ML  23   PDQ  1   PRQ  1
 !!!  123 (98.40%)
Peut-être que les Québécois·es n'ont pas aimé ce que lels avaient vu de l'ADQ une fois qu'elle avait enfin atteint une présence significative à l'Assemblée nationale, mais la punition que le SMU lui a infligée a été plus sévère que celle prescrite par l'électorat. Pourtant, on peut se demander si les Québécois·es auraient rendu leur verdict sur l'ADQ plus tôt sous la RP ? Ou si, à l'inverse, l'ADQ aurait eu l'occasion de développer ses muscles politiques et de s'enraciner à l'Assemblée si elle avait eu dès le départ un nombre de sièges à la mesure de son adhésion populaire ? Mais certainement le cours de notre histoire politique aurait été et serait différent si nous avions un système électoral à RP.

Bref, les seules vertus du SMU sont peut-être qu'il est facile à comprendre et rapide à produire des résultats. Cependant, ces résultats obtenus rapidement sont trompeurs à long terme, ne servent qu'aux intérêts immédiats des gagnant·e·s et mènent l'électorat à éventuellement se désengager du processus, comme l'en témoignent les élections générales ontariennes des deux dernières décennies. Je préférerais aller me coucher le soir des élections en sachant que mon vote a vraiment valu la peine.
 
« Je pense que ceux qui veulent la RP ont un agenda caché. Franchement, je pense qu'ils veulent plus que ce qu'ils méritent ! »
Vous voulez dire comme ça été le cas pour vous depuis plus de 150 ans ? La blague va comme ceci...
Un milliardaire, un ouvrier et un immigrant sont autour d'une table sur laquelle il y a 10 biscuits. Le milliardaire en prend 9 et chuchote ensuite à l'ouvrier : « Ce type va te voler ton biscuit. »
Remplacez « un milliardaire » par un chef de parti, « un ouvrier » par un partisan de ce parti et « un immigrant » par un non-partisan. Après toutes ces années d'utilisation de systèmes électoraux majoritaires, les politicians se sont habitués à l'idée que si lels jouent bien leurs cartes, lels pourraient avoir un pouvoir quasi absolu en remportant plus de sièges dans leur assemblée législative que lels ne le feraient si un système de vote équitable était en place. La mentalité du « gagnant remporte tout », qui prévaut dans les systèmes comme le SMU, mène à l'attitude voulant que « quiconque n'est pas comme moi » (ou dans mon parti) « ne mérite pas une place à l'assemblée législative ».

Mais avec le SMU, tout comme lorsque l'on joue aux cartes, la chance joue autant un rôle dans l'obtention de ce résultat « souhaitable » d'une majorité que l'élaboration de politiques qui plairont à l'électorat. Mais ensuite, il semble que lorsque l'étiquette « majoritaire » est apposée sur un gouvernement, les gagnant·e·s s'embrouillent. Lels semblent penser que tout le monde est de leur côté. Avec le temps, cette façon de penser peut conduire à l'orgueil et à des décisions politiques catastrophiques. Ma conclusion après des années d'observation est que la classe politique souhaite des gouvernements majoritaires, tandis que le peuple veut une bonne gouvernance et être entendu par ses élu·e·s, et le premier n'est pas la prescription du second.

Pas pour offusquer les souverainistes québécois·es, mais je postule que si le système électoral avait été proportionnel en 1976 et 1994, le Parti Québécois aurait peut-être lu les résultats autrement et réfléchi à deux fois avant de tenter ses référendums sur la souveraineté. Je crois, en examinant ces chiffres, que les élections générales de 1976 parlaient autant de l'usure du pouvoir du Parti libéral que du grand nombre de personnes qui croyaient que le Québec devait devenir un pays, alors que les élections de 1994 parlaient peut-être aussi de l'usure du pouvoir mais étaient surtout teintées par une décennie de pourparlers constitutionnels décevants qui n'ont abouti à rien. Le beau risque avait échoué...
Québec Québec
31 → 1976 :: 15 nov 1976 — 12 avr 1981 — Majoritaire Majoritaire  PQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 31   Majoritaire Majoritaire
Majorité=56  Maj.Ab.: +16  Maj.G.: +32
Population [1976]: 6,234,445
Éligible: 4,020,608  Particip.: 85.33%
Votes: 3,430,952  Non-productifs: 107,385
Sièges: 110   1 siège = 0.91%
↳ Sys.élec.:  SMU: 110  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PQ  Sièges  PQ 
Pluralité:  +255,295 (+7.59%)
Pluralité:  Sièges: +45 (+40.91%)
Position2: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Candidatures: 556 (✓ 110)   m: 510 (✓ 105)   f: 46 (✓ 5)
 PQ  110   PLQ  110   UN  108   RCQ  109   AUT  75   NPDQ  21   IND  23  
PQ
1,390,351 41.37 64.55 71
PLQ
UN
RCQ
AUT
1,135,056
611,666
155,451
31,043
33.78
18.20
4.63
0.92
23.64
10.00
0.91
0.91
26
11
1
1
AUT
NPDQ
IND
REJ
ABS
20,787
3,080
13,072
70,446
589,656
0.62
0.09
0.39
2.05
——
 PQ  Premier gouvernement formé par ce parti.
 AUT  PNP  36 (✓ 1)   AD 13   COMM  14   PTQ  12
 PNP  Parti éphémère (1976–79) à tendance créditiste.
 !!!  1 (0.91%)
35 → 1994 :: 12 sep 1994 — 29 nov 1998 — Majoritaire Majoritaire  PQ 
Sommaire Gouvernement Opposition Votes non-productifs
Parti Votes Sièges Parti Votes Sièges Parti Votes
# % % # # % % # # %
Parlement: 35   Majoritaire Majoritaire
Majorité=63  Maj.Ab.: +15  Maj.G.: +29
Population [1994]: 7,184,599 (est.)
Éligible: 4,893,465  Particip.: 81.63%
Votes: 3,994,628  Non-productifs: 250,722
Sièges: 125   1 siège = 0.80%
↳ Sys.élec.:  SMU: 125  
↳ Sans opposition: 0 (0.00%)
Pluralité: Votes  PQ  Sièges  PQ 
Pluralité:  +13,212 (+0.34%)
Pluralité:  Sièges: +30 (+24.00%)
Position2: Votes  PLQ  Sièges  PLQ 
Candidatures: 682 (✓ 125)   m: 541 (✓ 102)   f: 141 (✓ 23)
 PQ  125   PLQ  125   ADQ  80   NPDQ  41   PE  18   IND  68   AUT  225  
PQ
1,752,298 44.74 61.60 77
PLQ
ADQ
1,739,086
252,522
44.40
6.45
37.60
0.80
47
1
NPDQ
PE
IND
AUT
REJ
ABS
33,703
11,671
66,221
61,375
77,752
898,837
0.86
0.30
1.69
1.58
1.95
——
 ADQ  Premières élections générales pour ce parti.
 AUT  PLN  103   SOUV  19   PVQ  11   PCI  10   C  10   CWCQ  18   DQ  11   PIQ  11   PEQ  9   ML  13   COMM  10
 !!!  1 (0.80%)
En effet, je me demande si René Lévesque et Jacques Parizeau n'étaient pas tous les deux sur une « montée d'adrénaline » électorale. Celle de Lévesque était peut-être alimentée par la formation d'un gouvernement huit ans seulement après la fondation de son parti, tandis que celle de Parizeau était clairement amplifiée par les échecs des Accords de Meech et de Charlottetown. (Je veux dire, regardez ça ! En 1994, la pluralité de sièges du PQ de 24% sur le PLQ reposait sur le poids d'une pluralité de votes de seulement 0,34% !)

Néanmoins, c'est comme si les deux hommes n'ont tenu compte que de leur pluralité de sièges et du fait qu'ils contrôlaient plus de 60% de l'Assemblée nationale, alors ils pourraient sûrement y arriver ! Mais si leur représentation à l'Assemblée avait été plus proche de celle obtenue au suffrage universel lors des élections qui les ont portés au pouvoir, n'auraient-ils pas dû admettre que les conditions gagnantes n'étaient pas encore au rendez-vous ? Leur « montée d'adrénaline » électorale majoritaire les a-t-elle rendus trop confiants et, au final, les a-t-elle conduits à ce qui a été (pour eux) une catastrophe ?

Je pourrais trouver de nombreux exemples similaires parmi les 407 autres élections générales partisanes enregistrées dans PoliCan, mais avec ceux-ci, je risque de devenir subjectif et partisan quant à ce qui constitue une « catastrophe ». Pour certain·e·s, le « Contrat social » du NPD ou la « Révolution du bon sens » des Conservateurs en Ontario dans les années 1990 ont été des catastrophes, mais pas pour d'autres. La manière dont les Libéraux fédéraux ont éliminé le déficit entre 1993 et 2004 a été une catastrophe pour certain·e·s, mais d'autres croient à ce jour qu'il fallait le faire. Cette liste pourrait continuer.

Cependant, je me sens à l'aise de faire l'observation suivante : plus la pluralité de sièges ou la majorité gouvernementale d'un parti est grande, plus ce parti a les coudées franches et, étant donné que si peu de gouvernements ont été formés avec une majorité réelle de ceuxes qui ont voté, plus il est probable que la vraie majorité sera fâchée et se sentira impuissante au cours du mandat de ce parti. Il est exaspérant d'entendre un gouvernement se vanter d'avoir la majorité des Canadien·ne·s ou des Manitobain·e·s ou des Néo-Brunswickois·es ou de qui que ce soit de son côté alors que c'est basé sur sa majorité parlementaire gonflée qui est appuyée par aussi peu que 38% de ceuxes qui ont voté !

Mais le dicton qui me vient à l'esprit en pensant aux exemples québécois ci-dessus est : « Faites attention à ce que vous souhaitez ». Vouloir une majorité législative, puis l'obtenir, peut parfois conduire à des erreurs politiques et tactiques. Et le simple fait est que tout le monde, dans la limite du raisonnable, mérite d'être représenté. Alors :
  • À ceuxes qui votent : Exigez d'être représenté·e comme vous l'avez demandé et bannissez l'idée que le compromis, c'est mauvais.
  • À ceuxes qui s'opposent à la RP pour ce motif : Votre jupon dépassse pas à peu près, tout comme votre sentiment d'avoir droit.
Car en effet, dans une démocratie saine, gouverner doit être en phase avec la manière dont les gouverné·e·s souhaitent être gouverné·e·s. S'il y en a qui ont un « agenda caché », ce serait ceuxes qui ont profité et souhaitent donc préserver le système électoral injuste qui a été choisi pour nous. Leur agenda — celui que lels vous cachent — est que lels veulent continuer à profiter du système pour satisfaire leur base qui, presque toujours, constitue une minorité de l'électorat.


Nous sommes horrifié·e·s et serrons nos perles lorsque quelqu'un dit : « Bof ! mon vote ne compte pas... » Nous pestons quand nous ne voyons que 44% des Ontarien·ne·s voter, comme aux générales de 2022. Nous nous arrachons les cheveux à penser à des moyens d'inciter les gens à voter, surtout les jeunes. Nous désapprouvons lorsque nous entendons d'autres dire que tous les partis politiques se ressemblent. Et nous nous grattons la tête après des élections qui résultent à un énorme décalage entre les pourcentages de votes et de sièges.

J'ai longtemps soutenu que le cynisme envers la classe politique, à lui seul, n'est pas la raison pour laquelle autant refusent de s'engager dans le processus politique. Après avoir parcouru les chiffres, vu à quel point on peut se sentir désespéré de vouloir voter pour le Parti X alors que le Parti Y a remporté toutes les élections des 60 dernières années dans une circonscription — c'est mon cas, autant au provincial qu'au fédéral — et entendu tant de discussions sur comment et pourquoi le système ne fonctionne pas, je dois avouer que lels ont raison d'être devenu·e·s mécontent·e·s.

Notre système électoral est en effet brisé. Il est sourd. Il marginalise des points de vue légitimes. Il est fondé sur l'exclusion, pas l'inclusion.

Qu'arriverait-il si le système était conçu de sorte que voter Vert à Yarmouth ou Libéral à Camrose ne serait pas inutile ? Qu'il pourrait entendre ces voix plus calmes, à condition qu'elles soient en nombre suffisant ? Qu'il n'exclurait pas complètement certaines voix de la conversation ?

La représentation proportionnelle pourrait faire cela, et notre société s'en porterait mieux. Ce ne serait pas une panacée, mais ça ne repousserait certainement pas les gens des urnes. En fait, au contraire, cela pourrait aider à rétablir la confiance dans notre système politique, sans compter que répéter la même chose et espérer que tout va finir par s'arranger, c'est de la pensée magique !

L'expérience de plus de 150 ans n'est-elle pas une preuve suffisante que notre problème ne se résoudra pas tout seul ?

Mais pour réussir à enfin changer les choses...



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Pub.:  9 mai 2022 23:15
Rev.: 21 jan 2024 19:28