L'histoire électorale du Canada de 1867 à aujourd'hui

L'histoire des systèmes électoraux au Canada depuis 1867

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Image gracieuseté d'Élections CanadaLa plupart des Canadien·e·s vivant·e·s aujourd'hui ont toujours voté au niveau fédéral, provincial ou territorial selon le scrutin majoritaire uninominal á un tour (SMU). Pour être élue durant des élections générales, une personne doit remporter une majorité relative des voix dans sa course, et dans une course compétitive à plusieurs, cette « majorité relative » risque fort être inférieure à la moitié du suffrage exprimé.

Ensuite, le parti politique ayant élu le plus de candidat·e·s est appelé à former le gouvernement dans l'assemblée législative pour laquelle les élections ont eu lieu. Si ce parti a obtenu une majorité absolue de candidat·e·s gagnant·e·s (50%+1), il formera un gouvernement « majoritaire ». Cependant, si le nombre de gagnant·e·s de tous les autres partis réunis représente la majorité absolue, le parti ayant la majorité relative de gagnant·e·s formera plutôt un gouvernement « minoritaire ». Quoi qu'il en soit, ce parti prendra le pouvoir — une des raisons qui amène certains à qualifier le SMU de système dans lequel « le gagnant remporte tout ».
 

Sur les gouvernements majoritaires

Il faudrait souligner que la notion de gouvernement majoritaire est sans objet dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut (et au Yukon jusqu'en 1978) en raison de leur forme consensuelle de gouvernement sans parti politique.

De même, il s'agissait d'une notion vague et fluide au XIXe siècle dans ces juridictions où les partis n'existaient pas formellement. Au lieu, les candidats se déclaraient comme soutenant soit le « gouvernement », soit « l'opposition », tandis que d'autres se présentaient simplement comme « indépendants ». En d'autres termes, ils s'alignaient sur la personne qui était ou n'était pas le chef du gouvernement (premier ministre) au moment des élections. Ainsi, si des élections générales donnaient une pluralité de candidats gagnants de « l'opposition », ils devenaient le gouvernement après les élections, mais cette allégeance à un chef pouvait changer au cours d'une législature, laissant parfois une poignée d'hommes à la tête du gouvernement. Ce système ostensiblement consensuel mais déroutant a existé en Colombie-Britannique jusqu'en 1903 et au Manitoba jusqu'en 1879. Et bien que les partis n'aient été officiellement reconnus à l'Assemblée du Nouveau-Brunswick qu'en 1935, des alignements de partis comme au fédéral ont été utilisés de facto dans cette province dès 1878.
 

Systèmes électoraux au Canada

Les systémes électoraux suivants ont été ou sont utilisés au Canada aux niveaux fédéral ou provincial/territorial lors d'élections générales ou partielles. On constate que le Québec et les territoires pour lesquels une assemblée législative a été formée au XXe siècle sont les seuls endroits à avoir utilisé le système SMU dans toutes leurs élections, les autres ayant utilisé d'autres systèmes lors de certaines élections, soit exclusivement, soit en combinaison.

Seuls le Manitoba et l'Alberta ont utilisé un système proportionnel dans certains comtés, les autres comtés utilisant un système majoritaire comme le SMU. Dans l'ensemble, les gouvernements formés par ces hybrides électoraux étaient tout aussi déséquilibrés en faveur du parti vainqueur et le comptage des votes (à une époque où les ordinateurs n'existaient pas) était fastidieux. Il fallait parfois attendre des jours pour la déclaration de certain·e·s gagnant·e·s.

¤ Majoritaire uninominal à un tour (SMU)
Le système majoritaire uninominal à un tour en est un dans lequel le/la candidat·e avec le plus de voix remporte le siège. Depuis 1991, c'est le seul système que toutes les juridictions au Canada utilisent, la Colombie-Britannique étant la dernière à se débarasser de son système hybride SMU/SMP en faveur d'un système entièrement SMU.

¤ Majoritaire plurinominal à un tour (SMP)
Le système majoritaire plurinominal à un tour en est un dans lequel les candidat·e·s avec le plus de voix remportent un des sièges disponibles. Autrement dit, il y avait deux sièges ou plus à gagner dans le comté. Ce système était le seul utilisé en Nouvelle-Écosse jusqu'en 1933 et presqu'exclusivement au Nouveau-Brunswick jusqu'en 1967, quoique le SMU était utilisé lors de partielles pour un remplacement unique.

¤ Vote alternatif (VA)
Système majoritaire dans lequel chaque électeur/électrice classe les candidat·e·s par ordre de préférence et les voix sont redistribuées jusqu'à ce qu'un·e candidat·e obtienne une majorité absolue (50% +1). Ce système a été utilisé dans les comtés ruraux d'Alberta de 1921 à 1956 et du Manitoba de 1927 à 1958, ainsi que dans tous les comtés de la Colombie-Britannique de 1952 à 1956.

¤ Vote unique transférable (VUT)
Le vote unique transférable est un système proportionnel dans lequel chaque électeur/électrice classe les candidat·e·s par ordre de préférence et les voix sont redistribuées de façon à avoir une distribution finale des sièges plus fidèle au vote populaire obtenu par chaque parti politique ayant atteint un seuil global minimum. L'Alberta a utilisé ce système pour les villes de Calgary et d'Edmonton de 1926 à 1956, et le Manitoba pour Winnipeg de 1920 à 1958.
Systèmes électoraux utilisés au Canada, 1866–2024
Juridiction Années SMU SMP VA VUT
1 CA Canada 1867–1968
1968–2024


 
 
 
 
 
9 AB Alberta 1905–1909
1909–1926
1926–1956
1956–2024


 
 

 
 
 
 

 
 
 

 
8 BC Colombie-Britannique 1871–1952
1952–1956
1956–1991
1991–2024

 


 

 
 

 
 
 
 
 
 
11 MB Manitoba 1870–1920
1920–1927
1927–1958
1958–2024


 
 
 
 
 
 
 

 
 


 
3 NB Nouveau-Brunswick 1866–1874
1874–1895
1895–1912
1912–1948
1948–1967
1967–1974
1974–2024
 

 

 







 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
7 NL Terre-Neuve-et-Labrador 1949–1975
1975–2024


 
 
 
 
 
2 NS Nouvelle-Écosse 1867–1933
1933–1981
1981–2024
 



 
 
 
 
 
 
 
14 NT Territoires du Nord-Ouest 1951–2024
 

 
 
 
 
 
 
 
13 NU Nunavut 1999–2024
 

 
 
 
 
 
 
 
6 ON Ontario 1867–1886
1886–1914
1914–2024


 

 
 
 
 
 
 
 
4 PE* Île-du-Prince-Édouard 1873–1893
1893–1996
1996–2024
 


 
 
 
 
 
 
 
 
5 QC Québec 1867–2024
 

 
 
 
 
 
 
 
10 SK Saskatchewan 1905–1917
1917–1967
1967–2024


 

 
 
 
 
 
 
 
12 YT Yukon 1970–2024
 

 
 
 
 
 
 
 
15 NW Territoire du Nord-Ouest 1888–1892
1892–1905


 
 
 
 
 
* De 1893 à 1996, deux membres par comté étaient élus (« Assemblyman » et « Councillor »)

Les référendums au Canada ont utilisé d'autres systèmes majoritaires, y compris un exigeant une super majorité globale ou une double majorité.

¤ Simple majorité globale (G-SimM)
La simple majorité globale est un système majoritaire selon lequel une majorité absolue (50% +1) suffit pour remporter (se prête qu'en cas d'un choix binaire). Seul le résultat global est pris en compte, pas les résultats par comté.

¤ Super majorité globale (G-SupM)
Système majoritaire selon lequel deux seuils doivent être atteints pour remporter (par ex. 60 pour cent des voix dans 60 pour cent des comtés). Apparemment sans ironie, la Colombie-Britannique a imposé un tel seuil élevé en 2005 pour changer le système électoral du SMU au VUT, soit au moins 60% des votes exercés soutiennent la proposition et une simple majorité en faveur dans au moins 60% des comtés. Le premier seuil a été manqué de 2,3% mais le second a été atteint dans 97,5% des comtés.

Diverses variations du systéme proportionnel suivant sont utilisées dans de nombreux pays et a été proposé dans plusieurs juridictions canadiennes sans jamais ètre adopté :

¤ Mixte avec compensation (PMC)
Système proportionnel dans lequel chaque électeur/électrice choisit un·e candidat·e local·e et un·e candidat·e régional·e, le but étant d'avoir une distribution finale des sièges plus fidèle au vote populaire obtenu par chaque parti politique ayant atteint un seuil global minimum. L'Allemagne et la Nouvelle-Zélande sont deux pays utilisant ce système, tout comme les parlements d'Écosse et du Pays de Galles.

La tabulation des résultats d'élections menées avec un système proportionnel peut être un peu plus compliquée que celle d'élections SMU ou SMP — certainement pour des élections utilisant la méthode VUT — mais considérant que de telles élections ont été menées avec succès bien avant l'accès facile aux ordinateurs, l'argument selon lequel un système proportionnel est intrinsèquement « juste trop compliquè » ne tient pas la route étant donné qu'un système majoritaire comme le vote alternatif a déjà été utilisé alors qu'il est vraiment compliqué.

Maintenant la question s'impose : Pourrions-nous changer notre système électoral... encore ?



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Pub.:  9 mai 2022 23:15
Rev.:  1 mai 2023 23:15