L'histoire électorale du Canada de 1867 à aujourd'hui

Et si ceci était arrivé plutôt que cela ?

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Scénarios alternatifsSuite aux élections fédérales de 1993, le spectre d'un maintien permanent du Parti libéral au pouvoir n'était pas une idée totalement farfelue. C'était parce que dans les années 1980, les esprits conservateurs de l'Ouest canadien en étaient venus à se sentir aliénés du reste du Canada, et considéraient le Parti progressiste-conservateur comme servant les intérêts de Bay Street avant la défense des vraies valeurs conservatrices. Mais, se sentant davantage trahis par les libéraux et leur introduction du Programme énergétique national en 1980 et n'ayant pas d'alternative viable à leur droite, ils ont continué à voter pour les PC. Des groupes sécessionnistes ont fait surface sans vraiment réussir à gagner du terrain, jusqu'à ce qu'émerge le Parti réformiste du Canada à la fin de cette décennie. Seize ans plus tard, sa progéniture, l'Alliance réformiste conservatrice du Canada, cannibaliserait les PC et deviendrait le Parti conservateur du Canada que nous connaissons aujourd'hui.

Le schisme au sein de la famille conservatrice, ainsi que l'arrivée du Bloc Québécois qui semblait soustraire le Québec de toute équation menant à un retour au pouvoir d'un quelconque parti conservateur, ont fait couler beaucoup d'encre et mené à maintes analyses pour comprendre à quel point cette segmentation du vote a profité au Parti Libéral, jusqu'à sa défaite aux urnes ultimement en 2006. Cette sous-section de PoliCan examine comment les résultats de quelques élections auraient pu être différents si elles avaient eu lieu dans des circonstances trés différentes.


Canada
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18e Parlement — Schisme de 1935
La Dépression des années 1930 n'a pas juste été dure pour le peuple, mais aussi pour les gouvernements. Tous ont été chassés du pouvoir pendant ces années, sauf, pourrait-on dire, au Manitoba, où les progressistes avaient absorbé les libéraux à la veille des élections de 1932 et ainsi fourni une continuité, et au Québec, où le Parti libéral avait été au pouvoir si longtemps qu'un changement était peut-être inévitable. Par contre, au fédéral, le Parti libéral-conservateur, élu en 1930, n'a duré que cinq ans. En 1934, un conservateur de longue date, Henry Stevens, a quitté le parti qui n'était pas d'accord avec son argument en faveur d'une réforme économique drastique et d'une intervention gou­verne­mentale dans l'économie, et a formé le Parti de la Reconstruction pour les élections de 1935. Bien qu'il ait été le seul de son parti à être élu, combien de sièges le Parti libéral a-t-il remportés en raison du partage des votes entre son parti rebelle et les libéraux-conservateurs ?
 
35e au 37e Parlements — Le Grand Schisme de la Droite
Sans aucun doute, plus que le raz-de-marée de Mulroney de 1984, les élections de 1993 ont marqué le début de la dérive de l'ensemble de l'échiquier politique canadien vers la droite par rapport à sa position depuis les années 1960. Cependant, bien qu'il est peu probable que les « con­ser­va­teurs » aient pu remporter ces élections après les neuf années de Mulroney, à quel point auraient-ils été plus près de former le gouvernement s'ils avaient encore été un seul parti uni ? Et à quel point la décennie de discorde à la droite a-t-elle été profitable aux libéraux ?
 
41e Parlement — Vague orange de 2011
Certain·e·s se sont demandé si la montée remarquable du NPD en 2011 sous Jack Layton n'était pas un cas d'histoire qui se répètait, sauf cette fois à gauche, entre les néo-démocrates et les libéraux. Cependant, compte tenu du fait que le NPD avait participé aux élections depuis 1961, combiner les votes des deux partis comme on pouvait le faire pour la droite de 1993 à 2000 serait trop simpliste. Heureusement, la carte électorale en 2008 et 2011 était la même. Donc, après avoir mis de côté les comtés où les conservateurs avaient gagné avec une nette majorité, cette analyse commence par calculer le pourcentage d'augmentation du NPD dans les comtés restants, puis réattribue cette différence au parti dont elle a été prise, comme si la Vague orange n'avait pas eu lieu. Cela élucide la poignée de comtés qui n'auraient pas basculé aux conservateurs et les auraient maintenus en situation minoritaire pour une troisième fois consécutive.
 
43e et 44e Parlements — Schisme de 2019–24 ?
Un an après avoir terminé deuxième dans la course à la direction des conservateurs en 2017, Maxime Bernier a formé le Parti populaire du Canada. Certains se sont demandé si on assistait à un schisme de style 1935 dans la famille conservatrice, mais lorsqu'il a perdu son siège de Beauce et que son parti n'a réussi à recueillir que 1,62% des voix à l'échelle nationale lors des élections de 2019, la plupart des gens ont mis de côté cette idée. Mais ensuite, après plusieurs mois de restrictions dues à la pandémie de COVID, le PPC a puisé parmi les opposant·e·s viru­lent·e·s à ces mesures lors des élections de 2021. Ni Bernier, ni le PPC n'a gagné de siège, mais cette fois, le parti a recueilli près de 5% des voix et s'est classé deuxième dans sept comtés, quoique loin derrière le·la candidat·e du PCC à chaque fois. Alors, le PPC fait-il des gains signi­fi­catifs au détriment du PCC? Cette analyse montre que oui... et plus que ce que la plupart des analystes des médias le prétendent.
 

Alberta
Alberta
 

29e Assemblée — Un gouvernement de gauche... en Alberta ?!
Soyez toujours prudent en disant toujours et ne dites jamais jamais, mais l'Alberta a toujours été conservatrice et jamais ses citoyens ne voteraient pour un gouvernement de gauche. Certes, on pourrait soutenir que les trois gouvernements formés par les Fermiers unis de l'Alberta entre 1921 et 1935 étaient de gauche, mais depuis lors, on peut compter sur les Albertains à voter du centre-droit à l'extrême droite. C'était jusqu'à l'arrivée du Nötley Crüe en 2015, sauf qu'il doit son gouvernement majoritaire à l'apathie de électorat.
 

Nouveau-Brunswick
Nouveau-Brunswick
 

52e et 53e Assemblées — Division sur le bilinguisme des années 90
Après avoir formé quatre gouvernements majoritaires consécutifs, le Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, qui s'était rap­pro­ché de la communauté acadienne, a été banni de la législature en 1987. Les conservateurs sociaux ont tenté d'orienter la droite encore plus à la droite, le bilinguisme étant dans leur ligne de mire. Cela a amené l'éphémère Parti de la Confédération des régions à former l'oppo­si­tion offi­cielle en 1991, mais il est tombé dans l'obscurité après avoir échoué à remporter un siège aux générales de 1995, et les PC sont revenus occuper exclusivement le centre droit du spectre politique de la province.
 
58e à 60e Assemblées — Division sur le bilinguisme du XXIe siècle
La plate-forme de l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick a été décrite comme « un mélange de conservatisme économique, de populisme rural, et d'opposition à certains aspects du bilinguisme officiel et de la dualité ». En tant que tel, certain·e·s la considèrent comme une version allégée du Parti de la Confédération des régions des années 1990 ; d'autres la voient comme une réincarnation du CoR avec un penchant plus populiste. Quoi qu'il en soit, bien que l'Alliance n'ait pas connu autant de succès électoral que CoR, ni causé autant de division des votes ni obtenu le statut de parti officiel à l'assemblée, elle a eu un impact plus important et durable sur le paysage politique de la province.
 

Ontario
Ontario
 

4e Assemblée — Énigme de 1879
Comment se peut-il qu'avec 2 votes de plus à l'échelle provinciale, les libéraux aient obtenu 26 sièges de plus que les conservateurs ? Le système majoritaire uninominal est reconnu pour donner des résultats ridicules, mais y a-t-il un indice dans les chiffres sur ce qui a si mal tourné ?
 


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Pub.: 20 mai 2023 18:07
Rev.:  2 déc 2023 10:24