L’encyclopédie électorale du Canada

Cela peut vous mener à vous demander : « À quoi ça sert ? »

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Tellement triste!
© Photo Claudia Wolff — sous licence Unsplash

En 2011, ma nièce Julie vivait dans une région très conservatrice de la Colombie-Britannique lorsque Stephen Harper a finalement formé son gouvernement majoritaire. Je crois qu’elle me trouvait obsédé dans les semaines précédant ces élections, mais pour moi, le fait que le gouvernement Harper avait été reconnu coupable d’outrage au Parlement était répréhensible et méritait une punition, pas une ré­com­pense. Même si elle vivait dans un comté où son vote se perdrait dans une mer de votes opposés au sien, je l’en­cou­rageais quand même d’aller voter. Donc le lendemain, lorsque les conservateurs avaient bel et bien été ré­com­pensés, elle a écrit sur ma page Facebook : « Eh bien, j’ai pas voté pour eux, mais ils ont entré quand même ».

Impliquant... à quoi ça sert ?

Un système électoral majoritaire comme le SMU peut donner ce sentiment, car il est mal noté en termes de re­pré­sen­ta­ti­vité des partis ou de démographie ainsi que d’inclusivité. Un comté où s’opposent trois can­di­dat·e·s viables peut être remporté avec un tiers des voix, et Personne est le véritable gagnant. À l’in­verse, dans un comté où l’appui à un parti donné est toujours écrasant, comme celui-ci, on peut presque pardonner ceuxes qui ne prenne pas la peine d’exprimer leur désaccord. Un autre système majoritaire, le vote alternatif, donne l’im­pres­sion d’un·e « vrai·e » gagnant·e dans un comté mais cause plus de distorsion que le SMU dans le dé­compte final des sièges. Bref, on peut bien penser que son vote et celui de la plupart des gens est perdu et n’importe pas.

En guise d’explication (ou d’excuse), les politologues et analystes ont inventé la notion de « l’efficacité du vote » pour expliquer le fonctionnement des systèmes majoritaires. Pour que le vote soit efficace, les partis doivent examiner le profil démographique de chaque comté afin d’identifier ceux où leur programme est le plus susceptible de plaire à l’électorat qui les aiderait à arriver au premier rang. Par conséquent, étant donné que pour gagner, un·e candidat·e n’a besoin que d’une voix de plus que son·sa plus proche rival·e, les partis doivent cibler autant de comtés que possible où ils ont une bonne chance d’atteindre ce seuil. En effet, ce n’est pas de gagner des votes qui compte dans un système majoritaire, mais de gagner des sièges.

Après avoir compilé les résultats de toutes les élections générales tenues depuis la Confédération, j’en suis venu à faire une distinction entre les votes perdus et les votes non-performants. Cette distinction est indiquée dans les statistiques résumées des résultats détaillés de chaque élection.

Les votes perdus sont définis comme étant des « Votes n’ayant pas contribué à un parti d’obtenir au moins un siège, plus les votes pour une bannière (ou non-parti) comme Indépendant qui n’ont pas contribué à l’obtention d’un siège ». Les votes non-performants sont ceux qui n’ont pas contribué à gagner un siège, alors que ceux qui l’ont sont considérés performants. Comme l’effi­ca­cité du vote pour chaque parti peut varier par région, la somme des votes perdus de chaque région s’additionne seule­ment si le parti n’a remporté aucun siège (et dans ce cas « perdus » et « non-performants » sont égaux), tandis que la somme des votes performants ou non-performants de chaque région s’additionne toujours.

Julie ne m’a pas dit pour qui elle a voté, mais compte tenu des choix qu’elle avait, son vote n’a pas été perdu ; il a été non-performant.
 

Faire la distinction entre les deux types

Pour comprendre la différence entre les votes perdus et non-performants, commençons en mettant de côté les partis mar­ginaux et les indépendant·e·s. Dans un système proportionnel bien conçu, les partis marginaux n’auraient aucune chance d’atteindre une masse critique de soutien, tandis que les indépendant·e·s dans les assemblées partisanes sont souvent des loups solitaires qui évitent les affiliations politiques.

Lors d’élections générales, le nombre de votes non-performants est toujours bien supérieur au nombre de votes perdus. Le premier est-il donc pire que le second ? En fait, non. Les votes perdus sont pires pour les partis, car c’est comme si personne n’avait voté pour eux, alors que les votes non-performants sont comme si trop peu avaient voté pour eux. Or, il ne faut que des changements mineurs dans les résultats finaux pour que des votes perdus deviennent non-performants — parfois avec moins de votes d’une générale à l’autre. C’est là qu’intervient la notion de l’efficacité du vote.

Parti vert du Canada

Le Parti vert du Canada, lors des élections générales de 2008 et de 2011, fournit une illustration frappante de cette différence.

C Votes S Performants Non-performants Perdus
2008 303 937,613 6.78% 0 0 937,613 937,613
2011 304 572,095 3.89% 1 31,890 540,205 0

En 2011, le fait de remporter un siège à l’échelle nationale avec moins de voix au total a fait toute la différence pour les Verts, car cela a éliminé les votes perdus, mais n’a pas résolu leur problème de représentation. Avec 308 sièges aux Communes à l’époque, un siège en pourcentage équivalait à 0.32%. Dans un système purement proportionnel (que PoliCan ne préconise pas), on aurait pu s’attendre à ce qu’ils remportent 11 sièges de plus. Cependant, dans un système proportionnel mixte, en n’ayant obtenu que 3.89% des voix à l’échelle du pays — bien en deçà de leur sommet de 6.78% en 2008 — ils n’auraient probablement pas atteint le seuil minimal pour obtenir des sièges régionaux (ou compensatoires).

Relisons lentement la dernière phrase de l’énoncé sur les statistiques résumées. « Comme l’effi­ca­cité du vote pour chaque parti peut varier par région, la somme des votes perdus de chaque région s’additionne seule­ment si le parti n’a remporté aucun siège (et dans ce cas « perdus » et « non-performants » sont égaux), tandis que la somme des votes performants ou non-performants de chaque région s’additionne toujours. »

Pour vous aider à comprendre cette affirmation, examinons les mêmes résultats ainsi que ceux de 2019 et 2021, mais ventilons-les par région : Ouest (et Nord), Ontario, Québec et Atlantique. (Je saute 2015 car les Verts ont encore remporté qu’un seul siège en Colombie-Britannique cette année-là.)

2008 (0 siège) 2011 (1 siège)
C Votes S Performants Non-performants Perdus C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 303 937,613 6.78% 0 0 937,613 937,613 304 572,095 3.89% 1 31,890 540,205 0
L’Ouest 95 337,593 8.47% 0 0 337,593 337,593 95 250,284 5.88% 1 31,890 218,394 0
Ontario 106 409,936 7.95% 0 0 409,936 409,936 103 207,435 3.75% 0 0 207,435 207,435
Québec 72 125,805 3.47% 0 0 125,805 125,805 75 80,402 2.11% 0 0 80,402 80,402
Atlan. 30 64,279 5.99% 0 0 64,279 64,279 31 33,974 2.99% 0 0 33,974 33,974
2019 (3 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 337 1,187,494 6.54% 3 74,938 1,112,556 0
L’Ouest 107 406,670 7.14% 2 17,265 18,739 0
Ontario 120 427,558 6.20% 0 0 427,558 427,558
Québec 78 193,420 4.51% 0 0 193,420 193,420
Atlan. 32 159,846 12.27% 1 16,640 143,206 0
2021 (2 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 252 396,988 2.33% 2 42,520 354,468 0
L’Ouest 82 155,710 2.92% 1 24,648 131,062 0
Ontario 91 142,678 2.21% 1 17,872 124,806 0
Québec 56 61,488 1.52% 0 0 61,488 61,488
Atlan. 23 37,112 3.12% 0 0 37,112 37,112

Une façon simple de comprendre la distinction (et ces chiffres) serait de dire :

  • Votes perdus : Ç’a servi à quoi de voter pour eux ?!
  • Votes non-performants : Meilleure chance aux prochaines élections !

Parti progressiste-conservateur du Canada

L’effondrement spectaculaire du Parti progressiste-conservateur du Canada nous fournit une autre bonne illustration. Comme ce parti est passé d’une majorité au pouvoir à deux sièges aux Communes en 1993, on serait tenté de dire que presque toustes qui ont voté pour lui cette année-là ont perdu leur vote. Mais il serait plus juste de dire que leurs votes étaient devenus très non-performants au point d’être perdus dans certaines régions. Pour bien saisir ce constat, examinons les résultats des PC à partir des élections générales précédant leur déconfiture de ’93 jusqu’aux dernières élections générales auxquelles ils se sont présentés.

1988 (169 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 295 5,667,543 43.02% 169 3,949,849 1,717,694 0
L’Ouest 89 1,544,826 40.67% 48 1,014,905 529,921 0
Ontario 99 1,787,271 38.19% 46 1,047,226 740,045 0
Québec 75 1,844,279 52.68% 63 1,649,253 195,026 0
L’Atlantique 32 491,167 41.07% 12 238,465 252,702 0
1993 (2 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 295 2,186,422 16.00% 2 44,881 2,141,541 0
L’Ouest 89 521,535 13.37% 0 0 521,535 521,535
Ontario 99 859,596 17.61% 0 0 859,596 859,596
Québec 75 506,683 13.53% 1 29,758 476,925 0
L’Atlantique 32 298,608 26.16% 1 15,123 283,485 0
1997 (20 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 301 2,446,705 18.84% 20 360,236 2,086,469 0
L’Ouest 91 371,182 10.51% 1 13,216 357,966 0
Ontario 103 871,616 18.81% 1 20,449 851,167 0
Québec 75 811,410 22.17% 5 108,535 702,875 0
L’Atlantique 32 392,497 33.83% 13 218,036 174,461 0
2000 (12 sièges)
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Canada 291 1,567,022 12.19% 12 221,533 1,345,489 0
L’Ouest 88 381,103 9.96% 2 40,065 341,038 0
Ontario 100 642,438 14.43% 0 0 642,438 642,438
Québec 71 192,153 5.56% 1 18,430 173,723 0
L’Atlantique 32 351,328 31.31% 9 163,038 188,290 0

Malgré un modeste rebond en 1997, les progressistes-conservateurs fédéraux n’ont tout simplement jamais réussi à rendre leurs votes performants à nouveau. Ainsi, après 2000, ils — et surtout leurs rivaux conservateurs — ont pu voir le destin tourner à l’envers et, une décennie après leur raclée de 1993, les PC — le parti de John A. — ont cessé d’exister.

Les élections générales néo-écossaises de 2024

Le clivage entre les comtés urbains et ruraux a toujours existé au Canada. Il s’est toutefois accentué au XXIe siècle, surtout au niveau provincial. C’est le cas depuis plusieurs années de la Colombie-Britannique à l’Ontario, mais depuis 2024, c’est aussi le cas en Nouvelle-Écosse. Cela déplaît au NPD, qui n’a formé le gouvernement qu’une seule fois dans son histoire, mais surtout aux libéraux, qui ont gouverné la province plus que tout autre parti. Mais bien sûr, les progressistes-conservateurs ne pourraient pas être plus ravis !

Examinons donc les résultats des élections générales de 2024 pour tous les partis ainsi que les indépendant·e·s, par région, sous l’angle des votes totaux, performants, non-performants et perdus. Les régions sont définies comme la Municipalité régionale d’Halifax (Hfx), le nord-est de la Nouvelle-Écosse et leCap-Breton (NECB) et l’ouest de la Nouvelle-Écosse (ONE).

55 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 191 354,122 100.00% 55 205,787 148,335 3,593 1.01%
Hfx 77 145,794 41.17% 22 76,197 69,597 1,910 42,292
+38,699
11.94%
NECB 60 110,650 31.25% 18 71,732 38,918 562
ONE 54 97,678 27.58% 15 57,858 39,820 39,820
43 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 55 187,045 52.82% 43 161,740 25,305 0 0.00%
Hfx 22 60,150 41.26% 13 42,620 17,530 0 0
NECB 18 69,037 62.39% 15 61,262 7,775 0
ONE 15 57,858 59.23% 15 57,858 0 0
9 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 54 79,068 22.33% 9 31,820 47,248 0 0.00%
Hfx 21 49,448 33.92% 8 28,608 20,840 0 +13,556
17.14%
NECB 18 16,064 14.52% 1 3,212 12,852 0
ONE 15 13,556 13.88% 0 0 13,556 13,556
2 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 55 80,849 22.83% 2 8,660 72,189 0 0.00%
Hfx 22 34,286 23.52% 1 4,969 29,317 0 +25,143
31.10%
NECB 18 21,420 19.36% 1 3,691 17,729 0
ONE 15 25,143 25.74% 0 0 25,143 25,143
1 siège
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 4 4,220 1.19% 1 3,567 653 653 15.47%
Hfx 1 456 0.31% 0 0 456 456 653
NECB 2 3,671 3.32% 1 3,567 104 104
ONE 1 93 0.10% 0 0 93 93
 AUT  Aucun siège
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Nouvelle-Écosse 23 2,940 0.83% 0 0 2,940 2,940 100.00%
Hfx 11 1,454 1.00% 0 0 1,454 1,454 2,940
NECB 4 458 0.41% 0 0 458 458
ONE 8 1,028 1.05% 0 0 1,028 1,028

Observations (y compris quelque chose qui n’est pas montré sur ce tableau) :

  1. Pas montré : Ces élections ont connu le plus faible taux de participation de l’histoire de la province, y compris pendant les années de guerre.
     
  2. Si l’on considère la province dans son ensemble, il semblerait que seulement 3 593 votes aient été perdus. Mais après avoir ventilé chaque parti par région (avec un traitement spécial pour les « indépendant·e·s », qui ne forment pas un parti), on peut affirmer que le nombre de votes perdus s’élève plutôt à 42 292 (1 910 pour Halifax, + 562 pour le NECB, + 39 820 pour l’ouest de la province). Examiner les chiffres de cette manière est plus réaliste, car on tient compte du fait que certaines régions rurales n’ont alterné, dans une plus ou moins grande mesure, qu’entre les conservateurs et les libéraux, et que les votes pour tout autre parti ont toujours été non-performants au point d’être perdus. Si les libéraux et le NPD n’avaient pas gagné chacun un siège dans le NECB, le nombre de votes perdus aurait été de 76 183, soit plus que 21%.
     
  3. Le NPD avait clairement une meilleure compréhension de l’efficacité du vote que les libéraux lors de ces élections, car il a remporté 7 sièges de plus que les libéraux avec 1 844 voix de moins qu’eux.
     
  4. Si, en plus des deux autres sièges qui ont été gagnés, le chef libéral avait remporté son siège, qui se trouve à être classé ici sous « ONE », ou si le candidat sortant d’un comté voisin également classé sous « ONE » n’avait pas perdu son siège par 8 voix, le nombre de votes perdus pour les libéraux aurait été de 0. Cependant, leur nombre de votes non-performants aurait quand même atteint des sommets.

En bref, l’impact du clivage urbain/rural plus accentué dans les provinces est que les votes pour certains partis sont devenus beaucoup moins per­formants — parfois au point d’être des votes perdus, comme c’était le cas pour le NPD et les libéraux dans l’Ouest de la Nouvelle-Écosse en 2024.

Les élections générales québécoises de 2022

Ce dernier tableau nous aide à comprendre ce qui arrive lorsqu’un parti n’est que relativement dominant mais bénéficie d’une opposition frag­mentée. Il accrédite également l’idée selon laquelle la ventilation des résultats par parti et régions révèle un nombre plus juste de votes perdus.

Particulièrement remarquable des élections générales québécoises de 2022 est la façon dont la Coalition avenir Québec a réussi à former une majorité écrasante de 72% des sièges avec 41% des voix sur tout le territoire. Grâce à son efficacité du vote à Montréal, le Parti libéral a terminé deuxième au décompte des sièges mais quatrième au vote populaire. Québec solidaire est celui qui est arrivé deuxième au décompte des voix (grâce à son fort sou­tien sur la populeuse Île de Montréal), mais troisième au décompte des sièges. Le Parti québécois est arrivé troisième au décompte des voix, mais loin quatrième au décompte des sièges. Et le Parti conservateur revigoré, bien qu’il ait recueilli presque 13% des voix, a été exclu de l’As­sem­blée nationale. Le 1.7% des votes restants a été attribué à 256 candidat·e·s se présentant pour 16 autres partis ou comme indépendant·e·s.

On vous pardonnera si la lecture de ce paragraphe vous a donné le vertige ! Mais imaginez ce que ressentait tout le Québec au lendemain de ces élections, en essayant de comprendre les chiffres qui suivent.

125 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 881 4,112,821 100.00% 125 1,929,634 2,183,187 600,928 14.61%
Ouest 126 639,923 15.56% 19 305,532 334,391 266,695 1,341,467
+740,539
32.62%
Mtl_L 256 943,244 22.93% 33 413,095 530,149 126,033
Mtr 148 724,981 17.63% 20 334,541 390,440 293,587
ECQLM 134 739,676 17.98% 20 368,144 371,532 261,429
Cn_CA 127 685,303 16.66% 18 306,962 378,341 296,912
E_No 90 379,694 9.23% 15 201,360 178,334 96,811
90 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 125 1,685,573 40.98% 90 1,481,397 204,176 0 0.00%
Ouest 19 300,111 46.90% 18 293,055 7,056 0 0
Mtl_L 33 203,367 21.56% 6 68,091 135,276 0
Mtr 20 331,549 45.73% 18 308,245 23,304 0
ECQLM 20 365,672 49.44% 19 352,596 13,076 0
Cn_CA 18 298,947 43.62% 16 281,984 16,963 0
E_No 15 185,927 48.97% 13 177,426 8,501 0
21 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 125 591,077 14.37% 21 269,005 322,072 0 0.00%
Ouest 19 73,117 11.43% 1 12,477 60,640 0 +98,005
16.58%
Mtl_L 33 320,110 33.94% 18 230,232 89,878 0
Mtr 20 99,845 13.77% 2 26,296 73,549 0
ECQLM 20 45,228 6.11% 0 0 45,228 45,228
Cn_CA 18 37,517 5.47% 0 0 37,517 37,517
E_No 15 15,260 4.02% 0 0 15,260 15,260
11 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 125 634,535 15.43% 11 143,339 491,196 0 0.00%
Ouest 19 95,422 14.91% 0 0 95,422 95,422 +240,040
37.83%
Mtl_L 33 192,476 20.41% 8 102,813 89,663 0
Mtr 20 102,026 14.07% 0 0 102,026 102,026
ECQLM 20 112,575 15.22% 1 15,548 97,027 0
Cn_CA 18 89,444 13.05% 2 24,978 64,466 0
E_No 15 42,592 11.22% 0 0 42,592 42,592
3 sièges
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 125 600,708 14.61% 3 35,893 564,815 0 0.00%
Ouest 19 96,855 15.14% 0 0 96,855 96,855 +402,494
67.00%
Mtl_L 33 101,258 10.74% 1 11,959 89,299 0
Mtr 20 114,011 15.73% 0 0 114,011 114,011
ECQLM 20 110,124 14.89% 0 0 110,124 110,124
Cn_CA 18 81,504 11.89% 0 0 81,504 81,504
E_No 15 96,956 25.54% 2 23,934 73,022 0
Aucun siège
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 125 530,786 12.91% 0 0 530,786 530,786 100.00%
Ouest 19 66,073 10.33% 0 0 66,073 66,073 530,786
Mtl_L 33 90,871 9.63% 0 0 90,871 90,871
Mtr 20 65,329 9.01% 0 0 65,329 65,329
ECQLM 20 99,597 13.46% 0 0 99,597 99,597
Cn_CA 18 171,927 25.09% 0 0 171,927 171,927
E_No 15 36,989 9.74% 0 0 36,989 36,989
 AUT  Aucun siège
C Votes S Performants Non-performants Perdus
Québec 256 70,142 1.71% 0 0 70,142 70,142 100.00%
Ouest 31 8,345 1.30% 0 0 8,345 8,345 70,142
Mtl_L 91 35,162 3.73% 0 0 35,162 35,162
Mtr 48 12,221 1.69% 0 0 12,221 12,221
ECQLM 34 6,480 0.88% 0 0 6,480 6,480
Cn_CA 37 5,964 0.87% 0 0 5,964 5,964
E_No 15 1,970 0.52% 0 0 1,970 1,970

Observations :

  1. Encore si l’on considère la province dans son ensemble, il semblerait que « seulement » 600 928 votes aient été perdus. Or, cette analyse révèle 740 539 votes perdus de plus, soit 1 341 467.
     
  2. Des 44 fois que le PQ est arrivé deuxième, 41 fois était contre la CAQ, quoique souvent très loin derrière, démontrant quand même à quel point le vote nationaliste s’est transféré vers ce dernier lors de ces élections. Quant aux trois autres fois, c’était contre Québec solidaire.
     
  3. LaFontaine était le comté libéral le plus à l’est, mais ce comté se trouve sur l’Île de Montréal, dans le sud-ouest du Québec. Cependant, en raison de l’abondance de sièges dans le sud-ouest du Québec, combinée à l’efficacité de leur vote dans la région de Montréal, ils se sont classés deuxièmes en terme de sièges tout en étant seulement quatrièmes au décompte des voix.
     
  4. Malgré avoir obtenu presque deux fois plus de votes que Québec solidaire dans la région de la Capitale nationale, Charlevoix et Chaudière-Appalaches, les conservateurs n’ont remporté aucun siège, alors que QS en a remporté deux.
     
  5. De plus, avec moins de 1% de plus en vote populaire à l’échelle provinciale que le Parti québécois, QS a remporté 8 sièges de plus que le PQ.

À part de parler « d’efficacité du vote », aucun des résultats n’avait beaucoup de sens. Nous pouvons remercier en partie le SMU pour cela, mais les votes étaient tellement fragmentés que plusieurs scénarios dans le simulateur SPM donnent encore une majorité à la CAQ, quoique très réduite.
 

Alors, « à quoi sert » cette distinction ?

Quatre-vingt-neuf pour cent des 1 054 395 votes jugés perdus dans l’ensemble de la juridiction lors des élections fédérales de 2008, et à peu près le même pourcentage de 600 928 votes lors des générales de 2022 au Québec, sont allés à un seul parti (les Verts en 2008 et les Conservateurs en 2022). De tels chiffres devraient, à eux seuls, sonner l’alarme au sujet de notre système électoral majoritaire plutôt que d’être rejetés comme un hasard mathématique. Or, le fait que les partis doivent accorder tant d’attention à l’efficacité du vote est aussi un problème, car il s’agit d’une notion déconnectée des intérêts de l’électorat qui perturbe le message venant des bulletins de vote.

Cette distinction sert donc à déterminer comment un système électoral proportionnel contribuerait grandement à corriger les problèmes inhérents à un système électoral majoritaire.

  • Dans le cas du Parti vert en 2008 : Si le seuil avait été fixé à 5 pour cent des voix à l’échelle nationale, les votes qu’il a reçus n’auraient pas été perdus. Ils auraient été non-performants et certains auraient pu être compensés.
     
  • Dans le cas des progressistes-conservateurs fédéraux en 1993 : Si leurs votes non-performants avaient été valorisés plutôt qu’ignorés, la disparition de ce parti aurait pu au moins être retardée, voire évitée. Par conséquent, l’impact des votes non-performants aurait été atténué, car les votes accordés aux partis atteignant le seuil minimal auraient été pris en compte dans l’attribution des sièges compensatoires.
     
  • Dans le cas du clivage croissant entre les régions urbaines et rurales au sein des provinces : Cela éviterait d’obliger les partisan·e·s du NPD vivant à Annapolis à déménager à Halifax pour se faire entendre. Non, mais, blague à part, si les votes perdus dans les régions rurales ou urbaines pouvaient être convertis en votes non-performants, l’impact de ces votes non-performants localisés pourrait être atténué.
     
  • Enfin, dans le cas du Québec en 2022 : Le rejeter comme une anomalie serait malhonnête et révélateur d’amnésie électorale. Il suffit de remonter à 1973 pour trouver une autre série de résultats insensés. C’était alors que les libéraux avaient remporté 93% des sièges (soit 102 des 110 à l’époque) avec 54.7 % des voix, ce qui avait entraîné un nombre phénoménal de votes perdus.

Dans un système électoral proportionnel, les votes perdus (la plus grave lacune) seraient éliminés pour les partis atteignant un soutien raisonnable, tandis qu’un bon nombre des votes non-performants se verraient attribuer une valeur proportionnelle plutôt que d’être tous jetés à la poubelle. La notion de l’efficacité du vote deviendrait obsolète, et l’idée de gagner des votes plutôt que des sièges serait rétablie. Et un autre avan­tage serait que le vote stratégique, dont mal­heu­reuse­ment peu comprennent où, quand et comment l’appliquer, ne serait plus nécessaire.

Alors c’est pour cela que je fais cette distinction, et c’est pour cela qu’il est important que nous la comprenions.

Ce qui me mène à mon argument décomplexé pour la proportionnelle...



© 2005, 2025 :: PoliCan.ca (Maurice Y. Michaud)
Pub.: 24 déc 2024 07:30
Rev.: 30 jun 2025 06:17