L'histoire électorale du Canada de 1867 à aujourd'hui

C'est plus que de simples mathématiques

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Symboles mathématiquesLes mathématiques peuvent parfois être étranges et mener à des résultats déroutants ou contre-intuitifs. Pensez par exemple à l'erreur de « division par zéro ». Dans l'esprit de certaines personnes, diviser par zéro signifie qu'un nombre ne doit pas être divisé et doit donc rester inchangé. Dans l'esprit des autres (et selon l'une des règles mathématiques les plus fondamentales), il est impossible de diviser quelque chose par rien. Mais diviser un nombre par 1 laissera ce nombre inchangé, obtenant ainsi ce que le premier groupe pensait qu'une division par zéro devrait faire.

Je mentionne ceci simplement parce qu'aucune formule d'attribution (ou de représentation) ne peut être parfaite et qu'elle est particulièrement difficile à appliquer au fédéral. Dépendant des données, des paradoxes peuvent surgir. Une légère modification d'un seul nombre dans l'ensemble peut mener à des différences significatives. Bien que ces résultats soient indéniablement corrects en mathématiques pures, ils ne peuvent pas et ne prennent pas en compte des facteurs externes ou « réels ».

Cela dit, une formule de représentation est beaucoup moins compliquée au niveau provincial ou territorial qu'au fédéral. Plusieurs provinces n'ont besoin que d'un quotient électoral pour faire leur travail. Cependant, pour certaines provinces, les facteurs externes ou « réels » que les mathématiques ne peuvent pas prendre en compte peuvent inclure des zones éloignées ou vastes mais peu peuplées, ou des zones qui comptent un groupe minoritaire important qui devrait être pris en compte. On peut penser aux Îles-de-la-Madeleine (isolées du Québec et dans un fuseau horaire différent) ou aux Acadien·ne·s ou aux Noir·e·s de la Nouvelle-Écosse (groupes culturels importants). Mais les provinces confrontées à de telles situations ont la latitude de dévier de beaucoup de la moyenne de population par comté pour en créer des plus petits en termes de population.

Mais la formule de représentation se complique au niveau fédéral, et Élections Canada doit aller bien au-delà d'une simple application du quotient électoral. Par exemple, une quantité de lait pourrait théoriquement être divisée en molécules uniques. Cependant, le Parlement est limité à des nombres entiers, car une province ne peut pas avoir un quart ou un demi-siège. Il existe donc une possibilité d'erreur d'arrondi. Mais plus subtilement, une formule de répartition peut faire perdre des sièges à une province malgré une population en croissance, mais à un rythme beaucoup plus lent que le reste du pays ou certaines autres provinces.

La population de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario a plus que doublé entre 1966 et 2022 — presque triplé, en fait, dans le cas de l'Alberta. Celle de toutes les autres provinces, à l'exception de Terre-Neuve-et-Labrador, a également augmenté au cours de cette période, mais pas autant. Ainsi, un modèle mathématique strict pourrait amener une province comme l'Île-du-Prince-Édouard, dont la population totale est à peu près de la taille d'une petite ville moyenne dans le reste du Canada, à se voir attribuer un seul siège au lieu de ses quatre actuellement. Cela ne se passerait évidemment pas très bien dans une province qui est entrée à contrecœur dans la Confédération en 1873 avec six sièges.

Pour sa part, la population du Québec, la deuxième province la plus peuplée du pays, a augmenté d'environ 50% entre 1972 et 2022. Par contre, son nombre de sièges est resté stable entre 73 et 78 depuis les années 1950 en raison de son poids démographique au sein de la fédération, qui diminue régulièrement après chaque recensement décennal. Les mathématiques pures ne peuvent pas prendre en compte le caractère distinctif de la province en tant que seule juridiction majoritairement francophone en Amérique du Nord et la nécessité de protéger son caractère distinctif.

Examinons donc d'abord une province dont la formule de représentation doit être ajustée en raison de considérations particulières, avant de voir comment la formule fédérale a évolué jusqu'à ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Lecture de fond

Les articles dans cette sous-section de PoliCan s'appuient sur une analyse approfondie des données électorales compilées dans PoliCan et sur la lecture d'innombrables textes au fil des années, mais tout particulièrement : Bosc et Gagnon discutent en profondeur l'évolution historique de la répartition des sièges fédéraux aux provinces, me permettant ainsi de faire une proposition sur la formule de représentation actuelle.



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Pub.: 10 jui 2024 17:54
Rev.: 21 jui 2024 17:36