L'histoire électorale du Canada de 1867 à aujourd'hui

Mettre de côté la partisanerie pour vraiment changer les choses

par Maurice Y. Michaud (il/lui)

Bannière politiques canadiennes contemporainesBon, je l'avoue : je suis à gauche de l'échiquier politique et, autant que je me souvienne, j'ai toujours voté pour le NPD au fédéral. Mais tout au long, je ne comprenais pas pourquoi ce parti remportait toujours si peu de sièges comparé au niveau de soutien manifesté par son vote populaire. Cela ne me paraissait pas juste !

<blague>Insérez un visage boudeur ici.</blague>

Les élections générales fédérales de 1993 m'étaient particulières à bien des égards. Non seulement que l'opposition officielle avait-elle été formée par un parti régional qui, techniquement, ne voulait pas être dans cette Chambre, mais aussi le soutien à deux des trois partis dominants s'était effondré. Et comme je l'ai mentionné dans « Les dérives du SMU », pour les progressistes-conservateurs, ces élections ont été le signe avant-coureur de leur disparition.

C'est en faisant des recherches sur les élections passées pour tester l'hypothèse que « mon » parti était traité injustement que j'ai dé­cou­vert que TOUS les partis sont mal-menés par le SMU. Maintenant je comprends que les résultats que nous obtenons sont une fonctionnalité plutôt qu'un bogue du système, et que la sur- et sous-représentation simultanée des partis a toujours existé, ce qui est injuste et frustrant pour toustes ! Bien que j'en sois venu à réfléchir à ce sujet d'un point de vue partisan, c'est maintenant pour moi une question non partisane d'équité dans la représentation.

Mes recherches m'ont également amené à voir à quel point la participation aux élections n'a cessé de baisser. L'Alberta et l'Ontario se distinguent comme des juridictions où le taux de participation a toujours été faible, tout comme l'Île-du-Prince-Édouard se distingue comme la juridiction avec un excellent taux de participation. Cependant, à quelques exceptions près, depuis la fin des années 1980, le taux de participation aux élections générales est tombé en dessous du seuil des 70%, parfois bien en deçà. Parmi les exemples les plus extrêmes du XXIe siècle, nous trouvons l'Alberta en 2008, lorsque ce taux n'était que de 37.5%, et l'Ontario en 2022, lorsqu'il n'était que de 44.1%. Le résultat ? C'est Personne qui gagne.

Certain·e·s pourraient être tenté·e·s d'affirmer, de manière simpliste, que ce désengagement est dû au fait que « tous les politiques d'aujourd'hui sont pourris, alors pourquoi s'embêter à voter ? » Mais permettez-moi d'être parfaitement clair : cet argument est une absurdité. C'est absurde parce que chaque génération avant nous disait la même chose. Pourtant, la grande majorité d'entre eux prenaient tout de même le temps d'aller voter.

Cependant, qu'est-ce que l'Alberta et l'Ontario pourraient avoir en commun, qui pourrait expliquer leur participation traditionnellement faible ? Ma première pensée : les deux ont eu des dynasties politiques durant lesquelles un parti a détenu le pouvoir pendant des décennies. Et qu'est-il arrivé à certain·e·s (pas toustes) qui n'aimaient pas ce parti et votaient constamment contre lui, mais ce parti continuait de gagner ? Eh bien, il y en a qui ont tout simplement abandonné, se disant que notre système électoral ne fonctionnait pas et que leur vote n'avait pas d'importance, malgré l'évidence qu'une grande minorité partageait leur avis.

Maintenant, remarquez comment, presque sans exception, ceux qui soutenaient ces dynasties sont aussi ceux qui sont le plus contre le changement vers un système électoral proportionnel. Le fait que ceux qui ont des opinions opposées aux leurs aient décidé de ne plus voter fait bien leur affaire. Certains vont même jusqu'à reprocher à ces désengagé·e·s d'avoir une p'tite montée de lait.

C'est alors que la partisanerie devient vraiment moche, voire mesquine.

Les partisan·e·s ne se soucient pas d'une représentation équitable. Lels ne se préoccupent que de la représentation de leurs points de vue — de préférence de manière monolithique. Les opposant·e·s à l'adoption d'un système proportionnel affirment souvent qu'un tel système peut rarement créer un gouvernement majoritaire tel que nous les connaissons, et sur ce point lels ont raison. Mais ce qui sous-tend leur argumentation, c'est que ces majorités artificielles sont souhaitables et que, par définition, les majorités fonctionnent et les minorités non. Oui, c'était le cas au fédéral en 1957, 1962 et 1979, mais les huit autres gouvernements minoritaires depuis 1957 ont été relativement stables. Le seul intérêt que ces fausses majorités servent est celui du parti au pouvoir, sauf que les élu·e·s ne sont-ils pas censés servir les intérêts de ceuxes qui les ont élu·e·s ?

Appelez-moi naïf !
 

Pourquoi devons-nous mettre de côté la partisanerie ?

Désolé si je semble ne pas être sérieux, mais la réponse, c'est qu'il faut que l'on grandisse ! Il faut que nous reconnaissions que le discours politique est parfois réducteur ou se fait réduire incorrectement. L'ex première ministre Kim Campbell aurait certes quelque chose à redire sur ça. Tentant de dire que discuter d'une refonte des politiques sociales du Canada dans toute leur complexité ne pouvait se faire dans les 47 jours de la campagne de 1993, sa déclaration a été réduite à une élection n'était pas le moment de discuter de questions importantes.

La politique est déjà un instrument contondant. La partisanerie la rend encore plus brutale. Elle dissimule souvent des arrière-pensées qui peuvent être en contradiction avec la réalisation de progrès. Nous devons devenir suffisamment matures en tant que citoyen·ne·s pour reconnaître qu'il en est ainsi. Pour cette raison, la partisanerie et la politique doivent être retirées de toute discussion sérieuse d'une réforme électorale.

Je vous ai dit ouvertement en haut de cette page quelles sont et ont toujours été mes tendances partisanes. Alors, imaginez ma surprise — voire l'horreur ! — après les fédérales de 1984, lorsque mon meilleur ami Paul, malheureusement décédé en 2021, a « avoué » avoir voté pour le candidat progressiste-conservateur dans son comté. Son argument était qu'il aimait beaucoup le candidat et avait un peu fermé les yeux sur le parti que ce candidat représentait. J'avais 19 ans à l'époque, et cela avait été ma première leçon sur pourquoi notre système électoral SMU, très franchement, est nul ! Je connaissais et j'aimais aussi le candidat pour qui il avait voté, mais je dois admettre que si j'avais vécu dans le même comté que Paul, je ne pense pas que j'aurais pu m'amener à voter pour quelqu'un qui se présentait comme conservateur.

L'aurais-je considéré, cependant, si j'avais eu deux votes — régional et local ? Honnêtement, le jeune de 19 ans que j'étais n'y aurait pas pensé une seule minute ! La subtilité est rarement une caractéristique d'avoir 19 ans, surtout en politique. Mais la personne que je suis maintenant, dans la dernière partie de sa mi-vie, serait plus nuancée. Je le considérerais si la marque des conservateurs était comme elle était en 1984, mais pas comme elle l'est dans les années 2000. Mais cela signifie également que, si on me donnait deux votes aujourd'hui, je ne me sentirais certainement pas obligé de voter stratégiquement ou pour le même parti sur les deux bulletins.

Je ne dirais pas que je me suis ramolli avec l'àge — du moins, pas dans le coco. Je dirais même que mes convictions politiques n'ont fait que se ren­forcer au fil des ans. Mais je pense aussi que nous aimerions toustes croire que l'appareil électoral est (ou devrait être) absolument neutre. Il devrait simplement être un instrument nous permettant d'exprimer notre volonté politique, mais le SMU actuel a constamment échoué à cette tâche.

Méfions-nous donc de ceuxes qui s'opposent à le changer. Et méfions-nous de la partisanerie dans cette discussion.



© 2019, 2024 :: PoliCan.ca (Maurice Y. Michaud)
Pub.:  9 mai 2022 23:15
Rev.: 20 jan 2024 06:06